Bière de Liège ou de Saison ?

Dans la ville de Liège et tous ses environs, on prépare deux espèces de bières fort connues dans le pays sous les noms de bière jeune et bière de saison. Ce sont deux espèces de bières assez ambrées, surtout la seconde, qui est une bière de garde assez forte qu’on ne consomme que quatre à six mois après sa fabrication, et qu’on ne prépare guère que dans la bonne saison d’où elle a sans doute tiré son nom, tandis que la bière jeune, comme le dit son nom, se consomme très-fraiche, souvent au bout de dix à quinze jours. Cette dernière se brasse toute l’année, à l’exception toutefois des temps de forte chaleur qui se font respecter par la plupart des brasseurs.
Les céréales qu’on emploie généralement pour préparer ces deux espèces de bière sont l’orge, l’épeautre, le froment et l’avoine; mais un assez grand nombre de brasseurs n’emploient en hiver ni orge ni avoine, c’est surtout l’épeautre qui fait la base de cette fabrication. L’épeautre et l’orge sont seuls soumis à la germination, encore ne la pousse-t-on pas fort loin, on l’arrête généralement dès que les racines ont un centimètre de long. La dessiccation se commence généralement à l’air et s’achève aux tourailles ordinaires. Les grains germés et non germés sont généralement mélangés ensemble avant d’être écrasés aux meules. Voici d’après un homme digne de foi la composition ordinaire des brassins faits dans une brasserie liégeoise. Pour un brassin de 65 à 70 hectolitres de bière jeune ou 42 à 45 hectolitres de bière de saison l’on emploie 1200 kilog. de drèche ou matière farineuse consistant ordinairement en épeautre germé et froment non germé. Le mélange farineux est versé dans une cuve-matière de 35 hectolitres de capacité, ce qui fait un peu plus de 37 kilogrammes par hectolitre de cuve-matière, et l’on donne, par le faux bac à jeter, huit à dix tonnes d’eau marquant 40 à 45 degrés centigrades; l’on fait plonger la farine pour l’hydrater, puis on ajoute de l’eau bouillante jusqu’à ce que la cuve-matière soit pleine ; dès lors on brasse fortement à six hommes, et dès que le mélange est parfait on laisse reposer un quart d’heure a une demi-heure, puis on fait écouler le moût dans le bac reverdoir. Dès que le moût de ce premier métier ne coule plus ou très faiblement, on donne de nouvelle eau bouillante, assez pour remplir la cuve-matière, et l’on brasse comme la première fois; l’on fait ainsi successivement quatre trempes dont les trois dernières à l’eau bouillante, et si l’on veut obtenir de la bière jeune, les divers métiers sont tous réunis dans la même chaudière ou dans la même cuve-guilloire, après avoir subi une ébullition assez vive, mais de deux à trois heures seulement, avec 3/4 de livre de houblon jeune par tonne de moût. L’ébullition ayant communément lieu en chaudière ouverte, l’évaporation est assez forte et l’on compte généralement qu’il faut dans la chaudière 88 à 90 hectolitres de moût pour obtenir 65 à 70 hectolitres de bière jeune fermentée.

Si l’on veut préparer de la bière de saison, les trois premiers métiers subissent une ébullition très-vive durant six à huit heures avec 2 à 3 livres de bon houblon jeune par tonne de bière. Pour préparer cette bière l’ébullition, qui a généralement lieu en vase découvert, est si forte que le moût est par l’évaporation réduit aux 3/4 de son volume primitif, du moins c’est ainsi qu’on opérait communément en 1837. Le moût de l’une et de l’autre de ces deux espèces de bières après la cuisson repose deux heures environ dans le bac à houblon, d’où on le soutire dans les bacs refroidissoirs lorsqu’il est bien déposé et parfaitement clair. Après l’avoir laissé refroidir jusqu’à 25 ou 26 degrés par les temps froids, et autant que possible à 20 ou 22 en été, on le fait couler lentement dans la cuve-guilloire où l’on y ajoute deux à trois décilitres de levure par hectolitre de moût, puis on entonne immédiatement dans de petites futailles qu’on porte dans un cellier convenable pour lui faire subir une fermentation qui dure, deux à trois jours en été et trois ou quatre en hiver. Dès qu’on a recueilli la levure on remplit les futailles, on les bouche et si c’est de la bière de saison on l’emmagasine pour trois ou quatre mois au moins ; si c’est de la bière jeune on commence à la livrer aux consommateurs au bout de huit à dix jours en été, et dans trois semaines à un mois en hiver.

La bière de saison dont le moût final avant la fermentation marque 6 à 7 degrés Beaumé, se conserve assez bien pendant un à deux ans, pourvu que les futailles soient dans un endroit frais et que la bière soit brassée en hiver ; car les bières de ce genre qu’on brasse quelque fois en avril ou mai s’aigrissent souvent avant la fin de l’été de la même année. Je crois utile de faire observer que dans la plupart des brasseries de Liège, pour préparer les bières ci-dessus mentionnées on est dans l’habitude de faire la trempe d’autant plus chaude, et d’autant plus promptement que la saison est plus chaude, et en cela on a parfaitement raison; car la température à laquelle se prépare le premier métier, en hiver, ne dépassant guère 45 à 50 degrés, la saccharification se fait mal, par suite, la filtration du premier métier est fort lente et fort difficile, et, eu raison- des matières premières qu’on emploie, le mélange serait fort exposé à contracter une fermentation lactique ou visqueuse, en été surtout, si la température du mélange n’était pas plus élevée.

Vu la nature des grains et la composition des mélanges farineux qu’on brasse généralement dans la province de Liège, je dois dire que la méthode communément usitée, pour le travail dans la cuve-matière, est très-défectueuse, car les matières qu’on brasse sont trop compactes, trop féculentes, trop azotées et la cuve-matière toujours trop remplie pour pouvoir bien faire le premier et souvent le second métier. Pendant ces deux trempes et durant la première surtout, la température est trop basse et la proportion d’eau trop faible pour produire une bonne fermentation saccharine ; aussi le premier métier coule toujours lentement, passe fort trouble, souvent même épais, au point qu’on devrait toujours employer les paniers, stuyk-manden , pour l’effectuer plus promptement ;car comme je l’ai expliqué dans la première partie, une filtration lente dans les conditions que je viens de mentionner est très- dangereuse pour le brassin ; aussi dans la province de Liège, surtout en été boit-on plus de mauvaises que de bonnes bières.

Pour traiter les proportions, ci-dessus mentionnées, de froment non germé et d’épeautre, il serait bien préférable de suivre la méthode de Malines, ou mieux encore celle de Louvain perfectionnée comme j’ai dit à l’article de cette bière ; mais, dira-t-on, on n’obtiendrait pas alors la même bière ? Non, sans doute, la bière n’aurait pas exactement le même goût, car elle serait bien meilleure ; mais elle aurait une grande analogie avec elle si l’on observait les mêmes proportions, et puis, doit-on tenir à une bière quand elle est souvent gâtée ou mauvaise, et tout au moins fort médiocre en qualité, quoique préparée avec de très- bonnes matières premières ?

Une tonne à Liège doit faire 112 litres.
La densité se calcule comme ceci à partir des degrés Baumé: d = 145 ÷ (145 – °B)
La densité initiale de la bière de saison, se trouvait donc entre 1.043 et 1.050.
La livre était de 489.5 grammes avant 1839, puis 500 grammes ensuite.
Le houblon employé pour la bière jeune revenait alors à 375g par tonne de bière finie, soit 3.35g par litre. 

Arts agricoles: Fabrication de la bière – Section 4: De quelques bières préparées en pays étrangers

1˚ Ale fabriquée en Angleterre. Pour la fabrication de cette bière on ne saurait apporter trop d’attention à tous les principes d’une fabrication bien entendue, que nous avons exposés pendant le cours de cet article. Ici l’on n’est pas assujetti à des recettes routinières et vicieuses, commandées en d’autres cas par l’habitude d’un goût particulier que les consommateurs exigent dans quelques-unes de
ces sortes de boissons. On doit donc employer le plus beau malt, qui n’ait pas été altéré sur la touraille par la torréfaction, le houblon le plus récent et le mieux conservé, etc.
Au reste, voici les proportions usitées pour la fabrication de cette bière: beau malt pâle d’Hereford 14 quarters (40 hectolitres); houblon du comté de Kent, 1ere qualité, 112 livres (50
kilogrammes); levure fraîche lavée , 37 livres kilog (18 litres); sel.
On a observé que le temps le plus favorable à la fabrication de cette bière, et l’on peut le choisir, puisqu’elle se garde assez longtemps pour cela, est dans les mois de mars et d’avril, d’octobre et de novembre.
Cinq jours après la mise en fermentation on enlève l’écume et l’on ajoute Ie sel marin; on écume de nouveau 12 heures après; on répète ensuite cette opération de 12 en 12 heures, matin et soir, jusqu’à ce que la fermentation soit terminée. Le brassin, soutiré au clair, produit 34 barils, équivalant à 45 hectolitres.

2° Porter anglais. Cette espèce de bière, dont on fait une forte consommation dans la Grande-Bretagne et qui s’exporte aussi en grande quantité, se fabrique particulièrement à Londres. Là, pour un
brassin de porter tel qu’on le boit ordinairement, on emploie les proportions suivantes:
7 quarters malt pale de Kingston.
6 quart. malt ambré.
8 quart. malt brun.
En tout 16 quarters ou 45 hect.
Houblon brun du comté de Kent, 183 liv. (60 kilogr.);
Levure fraîche épaisse, 80 livr. (37 kilog.);
sel marin, 2 kilog.

3° Porter de garde et propre à l’expédition.
4 quarters malt pâle d’Hereford.
3 quart. ambré jaune de Kingston.
8 quart. malt brun foncé de Kingston.
Total 10 quarters ou 28 hect.
Houblon brun commun de l’est de Kent, 100 liv. (45 kilog. 5 hectog.)
Levure fraîche et épaisse, 52 liv. (20 kilog.)
sel marin, 2 liv. (800 grammes).

4° Bière de table anglaise. On prend 12 quarters (33 hect. 84 lit.) de beau malt påle de Suffolk; 72 liv. (32 kilog. G00 gram.) de bon houblon jaune de l’est du comté de Kent; 52 liv. de bonne levure fraîche et épaisse.

5˚ Dans l’Alsace on fait une grande consommation d’une bière préparée dans les proportions suivantes et susceptible de se conserver fort agréable pendant 3 mois. 150 kilog. de bon malt récent, traité immédiatement après avoir été moulu; 3 kilog. de houblon en hiver, et jusqu’à 6 en été, qui produisent environ 5 hectolitres de bière clarifiée.

 Bières résineuses. Parmi les différentes espèces de bières qu’on prépare dans plusieurs pays, on distingue encore celles qu’on nomme ainsi. On emploie dans ces pays diverses variétés de sapin pour leur préparation. Le procédé de fabrication consiste tout simplement à remplacer le houblon par 3 à 4 fois plus de ces copeaux minces, dont on obtient également dans le moût d’orge une décoction qui présente une saveur aromatique spéciale.
Les Anglais font usage, pour leur marine, d’un extrait de sapin connu sous le nom de essence of spruce, qu’ils ajoutent à différents moûts. On a aussi employé la térébenthine et le goudron de sapin à cet usage. Toutes ces substances ont, comme le houblon, la propriété de conserver les moûts fermentés, propriété qui paraît résider dans l’huile essentielle. Celle-ci présente partout des caractères fort analogues. Quant aux propriétés anti-scorbutiques attribuées exclusivement aux bières dites résineuses, il est très probable que la plupart des observations faites à ce sujet auraient été les mêmes avec les bières de houblon, puisqu’elles contiennent aussi une huile essentielle persistante. Il sera bon de consulter, pour la théorie complète et les modifications économiques de cette fabrication, le chapitre relatif à l’extraction de la fécule et à ses transformations en substance sucrée, soit par l’acide sulfurique, soit par la diastase.
PAYEN

Arts agricoles: Fabrication de la bière – Section 3: Théorie de la fabrication de la bière

Voici en résumé la théorie actuelle de la fabrication et de la composition de la bière. La germination développe dans le grain la diastase; celle-ci réagit sur l’amidon, sépare les corps étrangers et produit en dissolvant l’amidon, de la dextrine et du sucre qui passerait dans la tige si on laissait continuer la végétation. Une grande partie de l’amidon (probablement
66 à 70 centièmes) n‘a pas éprouvé cette conversion en dextrine sucrée, mais se trouve en présence d’une quantité de diastase bien plus que suffisante pour opérer cet effet. Si donc on réunit les circonstances favorables, c’est-a-dire qu’on délaie le malt dans 4 parties d’eau et qu’on soutienne à la température de 65 à 70° pendant une heure, la conversion est complète, et l’iode n’accuse plus la présence de la matière amylacée.
L’excès de diastase peut être tel dans le grain germé que 15 fois le poids de celui-ci en fécule y ajoutée subisse, plus lentement à la vérité, les mêmes réactions. Le liquide sucré, séparé des substances insolubles, renferme du sucre et une matière gommeuse (la dextrine); il est modifié dans sa saveur par la décoction du houblon; il en reçoit notamment un principe amer, et l’huile essentielle où réside l’arôme qui caractérise surtout l’odeur de la bière.
Cette solution sucrée aromatique, en contact avec la levure aux températures indiquées, éprouve une fermentation dont l’effet général est de convertir la plus grande partie du sucre en alcool et en acide carbonique; substances qui modifient encore le goût de la liqueur. Une quantité plus considérable de levure se forme aux dépens de la matière azotée du grain dissoute; une partie s’élimine en écume ou dépôt. 
L’ichtyocolle très divisée, puis délayée dans la bière trouble, y forme un vaste réseau membraneux qui, contracté par l’action de la levure, se resserre et entraîne dans sa précipitation ce dernier corps avec les autres matières non dissoutes; le liquide surnageant devient donc limpide.
Ce qui reste de sucre non décomposé suffit ordinairement pour donner lieu dans le liquide à la production ultérieure de 5 à 6 fois son volume d’acide carbonique; celui-ci, ordinairement contenu en grande partie par la fermeture hermétique des bouteilles, y produit une pression de 4 ou 5 atmosphères, qui occasionne une sorte d’explosion lorsqu’on débouche ces vases.
Enfin, la substance gommeuse qui réside aussi dans cette boisson lui donne une légère viscosité et rend ainsi la mousse quelques instants persistante; elle suffit encore pour humecter la langue et le palais d’une façon spéciale, ce que les connaisseurs expriment en disant que la bière n’est pas sèche, qu’elle a de la bouche; propriétés qu’ils ne retrouvent plus dans la bière faite exclusivement avec du sucre ou du sirop de fécule à l’acide sulfurique.

Arts agricoles: Fabrication de la bière – Section 2: Le Brassage

Cette opération peut être divisée en 6 périodes principales qui comprennent: 1˚ La mouture du malt; 2° le démêlage et le brassage proprement dit; 3° la décoction du houblon; 4° le refroidissement; 5 ° la fermentation; 6° la clarification ou collage.

De la mouture du malt.

Le broyage du malt ayant pour but de le concasser seulement, les meules du moulin doivent être plus écartées que pour la réduction des grains en farine; il faut donc soulever un peu l’anille.
On doit laisser préalablement au malt récemment préparé le temps d’absorber un peu d’humidité de l’air, environ 4 centièmes de son poids. Le grain que l’on porterait trop sec au moulin produirait beaucoup de folle farine, dont il se perdrait une plus forte proportion, et qui d’ailleurs s’opposerait à l’infiltration de l’eau dans la 1re trempe.
Lorsque le grain n’a pas absorbé spontanément cette quantité d’eau, on y supplée ainsi : on l’étend en une couche de 6 po. d’épaisseur environ, sur laquelle on verse, à l’aide d’un arrosoir à large tête et à trous multipliés, une pluie fine; on le retourne de façon à mélanger le mieux possible les parties humectées et celles qui n’ont pas été atteintes par l’eau; on le relève en tas, et au bout de 3 heures il est prêt à passer au moulin.
La mouture fine est préférable lorsqu’on se propose d’appliquer le malt à la saccharification de la fécule ou de la farine de grains crus, ainsi que nous le verrons en traitant de la fécule et de la diastase.

Du démêlage et du brassage

De cette dernière opération paraissent être dérivés les mots brasseur, brasserie, braser, brassin, etc., et elle fut ainsi nommée parce qu’elle se faisait à force de bras, comme cela se pratique encore en France, en Belgique, en Allemagne, en Russie, et dans quelques autres contrées.

En Angleterre, où la fabrication de la bière est plus importante que dans tout autre pays à superficie égale, la force motrice, appliquée dans toutes les opérations d’une brasserie, est produite par une machine à vapeur. Pour le démêlage (mashing) cette machine communique un mouvement de rotation à un axe vertical A (fig. 259), implanté au milieu d’une cuve couverte; cet axe est armé de 4 bras B, qui eux-mêmes sont garnis chacun de 10 à 12 crochets en fer. Tout le malt est ainsi mis en mouvement dans une quantité suffisante d’eau pour former une bouillie claire.

Cuve matière anglaise

Chez nous on nomme cuve-matière le vase dans lequel on opère le démêlage; c’est une cuve (fig. 259) légèrement conique, posée sur la grande base et d’environ 1 mètre 70 centimètres de profondeur. À 11 ou 12 centimètres du fond est un faux fond en bois G, percé de trous, soutenu à cette hauteur par un cercle en plusieurs parties larges (semblables à celles des jantes de roues), et qui permettent de laisser un pouce de jeu entre les douves et le faux fond pour les dilatations et retraits de ce bois, afin que son gonflement ne puisse opérer l’écartement des douves. Trois ou quatre tasseaux chevillés au-dessus du faux fond l’empêchent de remonter et de se déplacer. Pour éviter que les trous du faux fond ne s’engorgent facilement, on les fait coniques, le grand diamètre tourné vers le bas. Un couvercle en bois D, formé de planches doubles croisées et solidement barrées, peut à volonté être posé sur la cuve et doit la fermer le mieux possible.
On jette d’abord le malt moulu dans la cuve-matière ; on introduit ensuite de l’eau chaude à 60˚C environ sous le faux fond par le tube E; l ‘eau soulève le malt, que l’on s’occupe vivement à plonger dans l’eau à l’aide de fourquets en fer (fig. 260). On laisse le malt se pénétrer d’eau pendant une demi-heure; alors on découvre la cuve, on introduit également sous le faux fond de l’eau à 90°C, et l’on procède au vaguage, en brassant fortement le mélange ou fardeau avec des vagues (fig. 261) portant 3 ou 4 traverses doubles en bois, afin qu’ils puissent enfoncer et soulever le grain.

 

 

 

Le mélange doit alors être échauffé à 70°. C’est entre ces limites (comme on l’expliquera dans l’article fécule et diastase) que la saccarification de l’amidon du grain peut se compléter et rendre ainsi la farine presque entièrement soluble.
Immédiatement après le vaguage on lave le chant des parois intérieures de la cuve en y projetant quelques écuellées d’eau froide; on saupoudre à la superficie du mélange une couche de fine farine de malt, afin de bien concentrer la chaleur, on referme ensuite la cuve, et l’on enveloppe les joints du couvercle avec des morceaux de drap ou de laine.
On laisse le tout ainsi pendant 3 heures; on ouvre ensuite un robinet F placé entre les 2 fonds; on sépare les 1ères portions troubles que l’on reverse sur le malt; tout ce qui s’écoule ensuite du liquide sucré, dit premiers métiers, se rend dans un réservoir placé sous le robinet, et d’une contenance d’environ 1000 litres, nommé reverdoir: il est porté au fur et à mesure, è l’aide d’une pompe, dans une cuve couverte, dite bac à mout.
On introduit dans la cuve-matière une nouvelle quantité d’eau égale de celle de la 1re trempe, à la température de 80°C environ; on brasse encore fortement. L’allégement du malt et son adhérence aux parois sont des indices d’une bonne macération; on laisse en repos, et l’on soutire au bout de 2 heures de la manière que nous l’avons dit. On porte, à l’aide de la même pompe, ces seconds métiers avec les 1er, et, dès que l’eau pour la dernière trempe est tirée de la chaudière, on y fait couler tout le moût des 2 premiers métiers réunis.
On délaye une troisième fois le mélange en ajoutant de l’eau presque bouillante; on laisse déposer pendant une heure, on soutire, et l’on porte la dissolution claire dans la chaudière à petite bière. Si le malt n’était pas suffisamment épuisé de ses substances solubles, on le lessiverait en l’arrosant avec quelques lotions d’eau bouillante, et laissant le liquide s écouler au fur et à mesure de la filtration par le robinet.
Il ne reste plus dans la cuve-matière que la pellicule ligneuse qui enveloppait le grain, les débris des gemmules, une partie de l’albumine coagulée, et quelques sels insolubles et des matières légères; tout le reste est dissous.

On peut, d’après les nouvelles données décrites à l’article fécule, réduire la quantité de malt, le remplacer par la fécule de pommes de terre ou tout autre farine féculente, et rendre le brassage plus facile, plus simple, et souvent bien plus économique. Voici comment on peut opérer.
Une chaudière (fig. 262), fermée d’un couvercle, laissant près de ses bords 2 ou 3 trous d’hommes A, A, A, et plongée dans une cuve B, laisse entre ses parois et celles de la cuve un intervalle d’environ 3 pouces formant le bain-marie; un tube C de 1 po. de diamètre, se bifurquant entre les 2 fonds, y amène à volonté la vapeur d’un générateur. Un indicateur indique le niveau dans le bain-marie.
Supposons que l’on traite 1,000 kilogrammes de fécule; la double enveloppe B (le bain-marie) étant remplie d’eau à moitié de sa hauteur, et la chaudière A ayant reçu 45 hectol. d’eau et 200 kilog. de bon malt en poudre grossière, on ouvre le robinet F du tuyau C, qui amène la vapeur, et un homme agite avec un rable F (Fig. 263) le liquide de la chaudière.

Un thermomètre centigrade, plongé dans ce liquide, indique la température; dès qu’elle est arrivée à 60˚ au plus, on verse par un des trous A successivement toute la fécule, que l’on main tient en suspension à l’aide de l’agitateur. Lorsque la température, d’abord un peu abaissée, s’est relevée graduellement de 65 à 70°, on l’entretient à ce terme jusqu’à ce que la liquidité soit complète; alors on pousse à 75, puis on fait couler tout le mélange, par une large bonde O, dans une des 2 cuves-matières G,G; celles-ci étant bien couvertes, la température s’y maintient aisément entre 75 et 65 pendant 5 heures. Au bout de ce temps on soutire au clair dans la cuve reverdoire H tout le liquide qui peut filtrer; on le porte de là dans la chaudière. Le marc lavé donne des solutions de plus en plus faibles jusqu’à épuisement. Ces petites eaux servent à détendre à 6˚ le 1er moût qui marque 10 à 11°, ou sont employées directement à 3° pour la fabrication de la petite bière.
Une des améliorations que j’ai introduites en 1816 dans la fabrication de la bière résulte de l’emploi des sirops de miel, de mélasse ou de fécule, clarifiés au charbon animal.
L’usage des sirops clarifiés dans la proportion de 1/4 a 1/5 de la substance amilacée (malt et fécule) est surtout convenable pendant les chaleurs de l’été pour les bières. Il augmente la proportion d’alcool, favorise les dépôts, et l’on parvient ainsi à éviter les résultats fâcheux des fermentations trop actives qui font tourner à l’aigre ou donnent une odeur putride. Cette méthode est encore bonne à suivre toutes les fois que les grains, de mauvaise qualité, imparfaitement maltés ou macérés sans les soins convenables, ont donné des moûts trop faibles; dans ce dernier cas il suffit d’ajouter la quantité de sirop utile pour donner à la solution le degré aréométrique (6 Baumé pour la bière double de Paris et 2 1/2 à 3° pour la petite bière) qu’on aurait obtenu avec de bons grains traités convenablement.

De la cuisson de la bière

Reprenons la fabrication de la bière au moment ou les trempes sont versées dans les chaudières sur le houblon (1), dans la proportion de 37 livres et 1/2 de ce dernier pour 27 septiers de malt, ce qui équivaut à environ 450 grammes par hectolitre, pour la bière ordinaire de Paris, et en obtenant un 2produit en petite bière, qu’on fait couler sur le même houblon; on ajoute encore 14 livres de houblon inférieur en qualité dans le moût destiné à la fabrication de cette bière.
On a soin de faire plonger le houblon avec des rables pendant l’écoulement du moût, et durant même son ébullition, jusqu’à ce qu’il soit bien humecté.
Dès que le moût est versé, on élève à température , et on la soutient près de l’ébullition jusqu’à ce qu’on ait obtenu le moût de la 2e trempe; on ajoute celui-ci au 1er, et l’on porte à l’ébullition en laissant le moins possible la vapeur se dégager, afin d’éviter une trop forte déperdition de l’huile essentielle à laquelle le houblon doit son arôme et sa saveur spéciale.
On pourrait remplacer avec de grands avantages le chauffage direct par celui dit à la vapeur, ou mieux encore par le procédé de circulation appliqué aux lessivages à chaud, qu’on doit à M. BONNEMAIN (tome IV, p. 81).
Il ne faut pas en effet chercher à obtenir des moûts plus forts par leur rapprochement dans la chaudière; car cette coction prolongée décompose une partie de la substance sucrée de l’orge, fait contracter à la décoction un mauvais goût par l’altération de la matière azotée et laisse dissiper dans l’air le principe aromatique du houblon. On voit bien d’ailleurs que toute évaporation peut être rendue inutile, puisqu’on peut toujours proportionner la quantité d’eau à la force de la bière, et obtenir les moûts directement au degré convenable.
La décoction qui doit produire la bière double est opérée, ainsi que nous l’avons dit, après que la température ait été soutenue au degré de l’ébullition pendant 3 heures environ; alors on ouvre un large robinet (de 8 cent.) adapté au fond de la chaudière; le mélange de moût et de houblon est conduit à l’aide de tuyaux en cuivre dans le bac à repos. C’est une caisse de 18 pouces environ de profondeur, servant à laisser déposer les corps légers, et séparée en 2 capacités par un clayonnage en bois qui retient les folioles de houblon; à l’extrémité où le liquide arrive seul se trouve un robinet a décanter.

Ce robinet à décanter, dont on voit la coupe dans la fig. 264, est formé d’un double tube vertical en laiton; le tube intérieur forme la clé, et tourne à laide d’un bout de levier emmanché au haut de sa tête ; des ouvertures d’un pouce de hauteur, disposées en hélice autour de cette sorte de colonne, permettent de faire écouler la nappe supérieure du liquide, éclaircie par le 1er temps de repos. L’ingénieuse disposition ci-dessus est due à M. NICHOLS. Une autre sorte de robinet à décanter consiste dans un bourrelet circulaire, ou flotteur en fer-blanc, sous lequel un cercle en canevas métallique adhérent est attaché à un entonnoir de toile formant soufflet, et terminé par un large tube qui sort sous le bac à repos, où le robinet est adapté. Dès qu’on ouvre celui-ci, le liquide, près de sa superficie, s’introduit par la bande de canevas métallique dans l’entonnoir, qui s’abaisse progressivement avec le flotteur suivant le niveau du moût.
On opère la décantation par l’un des 2 moyens ci-dessus, après une à 2 heures de repos. Le moût est alors à la température de 75 à 70°; il doit être refroidi davantage, et, à cet effet, on le fait écouler dans les bacs refroidissoirs.
Ces larges caisses plates sont construites en planches de sapin du Nord, très épaisses et solidement boulonnées. Avant de se servir de bacs neufs, il faut étançonner avec des pièces de bois leur fond, pour éviter que l’imbibition de l’eau ne les fasse soulever. On doit y passer de l’eau bouillante à plusieurs reprises, afin d’enlever à la surface les principes solubles du bois, qui donneraient un goût particulier à la bière, et de faire produire au bois tout l’effet de gonflement qui peut résulter de l’action de l’humidité et de la chaleur.
Dans l’usage habituel des bacs, il faut avoir le plus grand soin de les laver et de les échauder, de peur que le moût de bière adhérant à leurs parois ne s’y aigrisse ou ne prenne un goût putride qui pourrait occasionner la détérioration d’un brassin versé ultérieurement.

Du refroidissement de la bière

La température du moût doit être abaissée au degré convenable pour la fermentation, et ce degré varie suivant les influences de la température de l’air atmosphérique et en sens inverse. Le moût de bière doit en effet être d’autant plus froid que l’air extérieur est plus chaud, et réciproquement. On conçoit qu’on se propose ainsi de compenser les chances de refroidissement ultérieur dans les cuves fermentation. En général, pendant les temps froids, il faut activer le plus possible la fermentation alcoolique; pendant les chaleurs de l’été on doit au contraire s’efforcer de modérer ses progrès, pour éviter que la bière ne tourne à l’aigre. On peut d’ailleurs diminuer les chances de cette altération en augmentant la dose du houblon; c’est aussi dans ce but qu’il importe d’opérer le refroidissement le plus promptement possible. Les bacs doivent donc être exposés fort à un courant d’air; on l’obtient à l’aide des persiennes qui les entourent ordinairement.
Nouveau système de rafraîchissoirs. De quelque manière que soient disposés les bacs, ils présentent de graves inconvénients, et les soins les plus minutieux ne peuvent quelquefois prévenir l’altération du mout houblonne qui y séjourne trop longtemps dans les chaleurs. Leur construction est d’ailleurs fort dispendieuse, soit par elle-même, soit par la solidité qu’elle nécessite dans toutes les parties de l’étage qui supporte le poids de ces vastes réservoirs et du liquide qu’ils contiennent; enfin toute la chaleur du moût, depuis le degré de 75 à 70° centigrades jusqu’à la température de 15 à 25, utile à la fermentation, est complètement perdue.

Le nouveau réfrigérant de M. NICHOLS, qui agit sur le liquide en couches minces par évaporation et contact indirect, à l’aide d’aspersions et de courants d’eau méthodiquement dirigés, est vu monté de toutes ses pièces dans la fig. 265. La fig. 266 montre la coupe longitudinale de l’extrémité de l’appareil du côté de l’entrée de l’eau servait à rafraîchir ; les fig. 267 et 268 la même coupe longitudinale du milieu de l’appareil au point d’assemblage des diverses parties, et la fig. 269 une dernière coupe longitudinale de l’extrémité du coté de l’entrée de la bière. Les mêmes lettres désignent dans ces figures les mêmes objets. Ce réfrigérant se compose de 3 cylindres concentriques en cuivre étamé, de 40 pieds de long sur un diamètre qui varie de 6 po. à 2 pieds, suivant l’importance de l’établissement. A est un 1 cylindre qui est vide et sert seulement à diminuer par l’espace qu’il occupe l’emploi d’un trop grand volume d’eau. Le second cylindre B, qui enveloppe le précédent, porte des cannelures longitudinales peu profondes; C’est entre ces 2 cylindres que passe l’eau destinée à rafraîchir. Le tube extérieur C entoure le cylindre cannelé B, et c’est l’espace compris entre ces 2 cylindres qui donne passage à une mince couche de bière qui se trouve divisée par les cannelures, et par conséquent, plus apte à recevoir l’effet du liquide réfrigérant. Ce cylindre C est recouvert d’une chemise de toile continuellement mouillée par l’eau, passant par un tube E, perforé de trous comme une pomme d’arrosoir. Afin de forcer l’eau et la bière à échanger leur température, ces 2 liquides marchent dans une direction opposée. L’eau froide entre par le tuyau M, placé à l’extrémité intérieure, et ressort par le tube vertical O, qui la conduit dans les chaudières ou un réservoir, en profitant ainsi de la température de 35 qu’elle a acquise par son contact avec la bière, pour s’en servir à des lavages à l’eau chaude ou à de nouvelles trempes, etc. La bière au contraire entre dans le cylindre C par le tube N, et se rend par l’autre bout en S dans la cuve guilloire, refroidie à 15°, température convenable pour une fermentation calme et régulière. De plus, pour que la direction des liquides ne fût pas constamment uniforme, les cannelures du cylindre B sont disposées de manière à se trouver opposées l’une à l’autre de 2 en 2 pieds, en laissant entre elles de petits intervalles non cannelés où le moût s’accumule et mélange ses couches pour se distribuer ensuite dans de nouvelles cannelures. FF sont des robinets pour vider l’eau ; des tubes qu’on voit près de ces robinets (fig. 266 et 268) servent à établir la communication entre l’air extérieur et le cylindre A, et en retirer l’eau en cas de fuite. Des auges H et K servent à supporter le refrigerant, et a recevoir les eaux d’arrosage du tube E, qu’on évacue par le tube L. P (fig. 265) est le conduit qui alimente d’eau ce tube E; (fig. 268 et 269) des tuyaux d’évacuation de l’air de l’eau ; R un tuyau semblable pour évacuer l’air de la bière ; une grille en toile métallique placée en avant (fig. 269) dans le tube extérieur est destinée à empêcher que le passage de la bière se trouve obstrué. Le réfrigérant tout monté est raccordé au moyen de vis et de collets d’assemblage ; il peut être démonté et nettoyé en une seule journée par 2 ouvriers de la brasserie. Il coûte moins que les bacs, dure plus long-temps, exige moins de réparations, et économise le local. Suivant M. NICHOLS, 1 hectol. et 1/2 d’eau à 10° suffit pour refroidir un hectol. de moût à 15. Quant à l’eau appliquée extérieurement, sa quantité est environ le quart de celle employée à ce refroidissement.
Ces réfrigérants étant placés dans une position inclinée, on fait communiquer la partie haute en N avec le bac à repos ; la bière passe entre les cylindres et transmet promptement, au travers du métal même, sa chaleur à l’eau qui l’enveloppe de toutes parts. En descendant entre les enveloppes le moût perd de plus en plus de sa chaleur, et, arrivé à la partie inférieure du réfrigérant, le liquide est a la température convenable, et coule immédiatement dans la cuve guilloire.
La température du moût au moment d’être mis en levain diffère aussi dans les différentes sortes de bières. Pour les bières fortes et de garde, on veut que la fermentation s’opère lentement ; la température pendant la fermentation doit être plus basse; si l’on se propose de préparer une bière potable au bout de quelques jours, comme la bière de Paris, il faut activer la fermentation, et, à cet effet, que la température des moûts de diverses bières varie pendant les différentes saisons au thermomètre Réaumur. Le tableau suivant indique ces relations.

De la fermentation de la bière

Lorsque le moût de bière est dans la cuve guilloire, on y ajoute la levure (et le caramel, si la décoction n’est pas assez colorée) et l’on agite fortement. Quelque temps après on aperçoit une écume blanchâtre et légère s’élever à la superficie du liquide; on entend pétiller le gaz acide carbonique. La mousse augmente de volume et s’élève quelquefois d’un pied au-dessus du liquide; bientôt elle devient plus épaisse, jaunâtre, semblable à la levure: c’est en effet cette substance elle même qui, sécrétée dans le milieu du liquide en fermentation, est entraînée à la surface par les bulles d’acide carbonique; elle amène diverses matières insolubles qui étaient tenues en suspension dans le moût de bière.
On avait autrefois l’habitude de faire replonger dans le liquide l’écume de levure, et l’on soulevait le dépôt avec un râble ou mouveron, une ou deux fois chaque jour pour activer la fermentation; on appelait cela battre la guilloire mais comme cette opération refroidit le moût, rend la bière trouble et difficile à clarifier, il est préférable de l’éviter en mettant d’abord une plus grande quantité de levure.
Dans la préparation des fortes bières, et surtout pendant les chaleurs, on ajoute une certaine quantité de sel marin au moût en fermentation, afin de prévenir l’altération de la matière animale qui développerait un goût désagréable et ferait aigrir la bière.
On applique avec succès, depuis quelques années, un couvercle garni de nattes en paille sur la cuve gulloire; on enlève à volonté une partie mobile de ce couvercle en bois, avec une corde passant sur une poulie et tirée à l’aide d’un moulinet. Les avantages de cette disposition sont; 1° d’éviter l’altération spontanée, acide ou putride, qui, dans les cuves ouvertes, résulte surtout de l’accès libre de l’air à la superficie de l’écume et laisse un mauvais goût à la bière; 2° de rendre la fermentation plus régulière en maintenant la température plus égale.
Les moûts des différentes espèces de bières exigent des quantités différentes de levure pour leur fermentation suivant la température de l’atmosphère. On emploie communément les proportions suivantes (en poids) de levure pour exciter la fermentation dans la cuve guilloire.

Lorsque la fermentation de la bière est suffisamment avancée dans la cuve guilloire, on la soutire. Cette opération pour les bières légères, n’exige aucun soin; quelquefois on trouble tout le liquide à dessein, afin de ménager une plus forte fermentation pendant le guillage. Quant aux bières fortes, qui présentent des difficultés pour être bien limpides, on les tire au clair avec précaution; on sépare les premières portions et les dernières, qui ordinairement sont troubles, pour les faire déposer et repasser dans une fermentation suivante. Les bières de garde doivent être soutirées dans de grands tonneaux de 4 à 5 hectolitres. On laisse la bonde couverte d’un linge, afin que, pendant le temps que la fermentation dure, le gaz acide carbonique produit puisse se dégager sans pression (4). On remplit de temps à autre le vide occasionné dans les barils par ce dégagement, avec de la bonne bière forte, etc.
Cette opération se pratique dans nos brasseries pour les bières légères que nous nommons bière double et petite bière, de la manière suivante. On soutire tout le liquide fermenté de la cuve guiloire dans des quarts d’une capacité égale à 75 litres; leur bonde est très large (de 7 à 9 centim.), afin qu’elle livre à l’écume qui continue à se former un passage facile. Tous ces petits barils sont rangés côte à côte sur les traverses d’un bâti en bois, à une hauteur telle qu’on puisse aisément passer dessous un baquet de 35 à 40 centimètres de haut. Les bondes de 2 quarts sont inclinées d’un même côté, afin que leur écume, poussée par la fermentation du dedans au-dehors, puisse, en s’écoulant le long de leurs douves, tomber dans le même baquet. Au moyen de cette disposition, 50 baquets suffisent pour 100 quarts.
Aussitôt que la bière est entonnée, une écume volumineuse sort de toutes les bondes; elle coule dans les baquets, où elle se liquéfie promptement. Quelques minutes après, l’écume devient plus épaisse, elle surnage en partie la bière dans les baquets, et se précipite en partie au fond; en inclinant ceux-ci, on en sépare facilement le liquide intermédiaire, avec lequel on remplit les quarts.
La matière épaisse, et d’une apparence semblable à celle de la bouillie, est la levure proprement dite; il s’en produit 5 ou 6 plus qu’il n’en faut, pour ajouter dans le brassin suivant aussi les brasseurs, après en avoir mis une partie en réserve pour la fermentation de leur moût, vendent-ils le reste aux levuriers, après l’avoir lavée et pressée dans des sacs en forte toile.
La fermentation continue à jeter pendant un temps plus ou moins long, suivant l’espèce de bière ou la température extérieure, etc. Pendant cet intervalle on remplit les quarts à plusieurs reprises, afin que le niveau du liquide soit assez près du bord de la bonde pour permettre à la levure de s’écouler au-dehors au fur et à mesure qu’elle vient nager à la surface.
Lorsque la production de la levure diminue d’une manière sensible, c’est un signe auquel on reconnaît que la fermentation approche d’être assez avancée. Enfin, lorsqu’il ne s’en produit presque plus, on redresse tous les quarts, en sorte que la bonde se trouve au point le plus élevée, ce qui permet d’emplir complètement toute leur capacité; on se sert encore pour cela de bière claire précédemment faite. Les quarts restent dans cette situation pendant 10 ou 12 heures; au bout de ce temps il s’est élevé sur la bonde une mousse très légère et volumineuse qui résulte d’un mouvement léger de fermentation; les brasseurs nomment cette mousse le bouquet.
La bière est alors livrable aux consommateurs; on bouche les quarts avec leurs bondons, et on les expédie.

Clarification ou collage de la bière

Toutes les bières destinées à être bues peu de jours après leur fabrication doivent être clarifiées. Les bières fortes, de garde, s’éclaircissent spontanément, parce qu’on peut attendre un temps assez long pour cela, sans qu’elles tournent à l’aigre; mais encore, parmi ces dernières, il s’en trouve qu’il est nécessaire de coller. Cette opération est principalement basée sur l’emploi de la colle de poisson; on la prépare de la manière suivante. D’abord on l’écrase sous le marteau afin de rompre les fibres et de favoriser ainsi l’action de l’eau sur cette substance organisée; on la met tremper dans l’eau fraîche pendant 12 à 24 heures, en renouvelant l’eau plusieurs fois (2 fois en hiver et 6 fois en été); on malaxe ensuite fortement la colle de poisson entre les doigts et dans 10 fois son poids de bière faite ; on passe au travers d’un linge la gelée transparente qui en résulte; on rince le linge dans une petite quantité de bière qu’on verse ensuite dans la première dissolution gélatineuse; on y ajoute un vingtième en volume d’eau de vie commune, ou esprit étendu à 20° et l’on conserve cette préparation en bouteilles, dans la cave, pendant 15 jours en été, ou un mois en hiver, pour s’en servir au besoin.
Lorsqu’on veut opérer la clarification, on mêle cette colle avec une fois son volume de bière ordinaire; on la bat bien, et on la verse dans les barils; on agite fortement pendant une minute la bière qu’ils contiennent à l’aide d’un bâton; celui-ci est fendu en quatre par le bout qui plonge dans le liquide. On laisse ensuite déposer pendant 2 ou 3 jours, au bout desquels on tire en bouteilles. La proportion de colle préparée est de 3 décilitres par quart, ou de 4 décilitres par hectolitre de bière de table; il en faut quelquefois le double de cette quantité pour la bière forte. La clarification que la colle de poisson opère dans la bière n’était pas expliquée avant la théorie que j’en ai donnée et qu’il est utile aux brasseurs de connaître. La bière est mise dans des bouteilles que l’on tient couchées si l’on veut que cette boisson mousse; cet effet tient à ce que le bouchon constamment en contact avec le liquide, reste gonflé et ferme plus hermétiquement; pour éviter la rupture des bouteilles, on les laisse couchées pendant 24 heures seulement, après quoi on les tient debout. On peut conserver la bière forte dans des foudres complètement remplis, et l’y laisser même sur la lie pendant l’hiver; mais dans ce cas il convient de la soutirer à la fin de mars, pour éviter qu’un nouveau mouvement de fermentation, excité par le dépôt de la levure, ne la trouble et n’y détermine le développement de l’acide acétique, qui est bientôt suivi d’un goût putride.
Si l’on veut tirer la bière au tonneau de quelques dimensions qu’il soit, on ne doit pas mettre plus de 8 jours à consommer la totalité. Lorsque la quantité est trop grande, il est nécessaire de la diviser en barils de moindres dimensions complètement remplis, et entamés successivement.
La bière bien préparée se conserve en général d’autant plus longtemps qu’elle est plus forte, c’est-à-dire que la proportion du houblon employée est plus considérable et que l’alcool produit par la fermentation est en plus grande proportion. Cependant on peut préparer une bière légère qui se comserve trs bien en employant avec le moût d’orge une quantité sufisante (2 tiers environ de la matière sucrée) de mélasse ou de sirop de pommes de terre bien dépurés (2). Ces bières bien préparées contiennent très peu de mucilage; mais aussi, leur goût diffère un peu de celui des autres; elles sont moins douces et coulent sans humecter de la meme manière la membrane muqueuse; aussi dit-on qu’elles sont sèches et n’ont pas de bouche.
Il parait que l’usage consacré en Flandre de faire dissoudre par une longue ébullition de pieds de veau dans le moût de bière rend cette boisson plus susceptible de produire une mousse persistante plus onctueuse au palais; on conçoit que ces effets doivent résulter de la solution gélatineuse produite par la peau et les tendons de ces pieds ainsi traités.

  1. On doit conserver les sacs de houblons dans une chambre bien sèche et bien close; sans cette précaution le houblon aurait bientôt perdu une partie notable de son arôme.
  2. J’ai envoyé aux colonies des bouteilles de bière préparée par ce procédé; elles y sont parvenues bien conservées

Arts agricoles: Fabrication de la bière – Section 1: Le Maltage

Maison rustique du XIXe siècle
Tome troisième
Art Agricoles
Paris, 1849

On donne le nom de bière à une boisson très anciennement connue, puisqu’on en fait remonter l’origine des temps fabuleux qui fut longtemps désignée sous le nom de cervoise et ceux qui la préparaient sous celui de cervoisiers. Ces dénominations avaient sans doute pour étymologie le nom de Cérès, déesse des moissons; et en effet, un produit obtenu des graines de céréales forme principalement comme nous le verrons, la base de la fabrication de la bière.
Nous nous attacherons surtout dans ce chapitre à donner les détails techniques nécessaires pour la fabrication de la bière, en faisant connaitre les parties distinctes de cette opération , qui, sous le rapport théorique, seront complétées, dans le chapitre que nous consacrerons à la fécule, qui comprendra les connaissances récemment acquises relativement à la nature et aux transformations de ce principe immédiat des végétaux. Nous décrirons donc successivement ici le maltage des grains, leur brassage, la décoction du houblon , la fermentation et le collage ou clarification.

Du maltage

Le maltage est l’opération la plus importante de la fabrication de la bière. Elle se divise en 3 parties :1° la germination, 2˚ la dessiccation, 3˚ la séparation des radicelles. On emploie le plus généralement l’orge ordinaire ou l’escourgeon (hordeum vulgare), l’orge à 2 rangs (hordeum distichum), l’orge à 6 rangs (hordeum hexastichum) pour cette fabrication. L’égalité la plus approximative des dimensions dans tous les grains est une des conditions importantes de la régularité si essentielle dans les opérations ultérieures qu’ils doivent subir, et d’ailleurs c’est en général la conséquence d’une bonne culture, On pourrait se servir d’autres graines de céréales, notamment de blé, de seigle ou d’avoine, de maïs ou de riz, si celles-ci n’étaient en général trop dispendieuses pour cette application. Les brasseurs doivent éviter avec soin mélange, soit de différentes variétés d’orge entre elles, soit d’une même variété récoltée sur plusieurs terrains différents, qui produiraient des irrégularités très préjudiciables dans la germination. Les bons grains sont durs, pleins, farineux et blancs à l’intérieur; mouillés pendant quelques minutes et remués, ils ne doivent pas développer d’odeur désagréable. Les plus pesants, à mesure égale, offrent une grande probabilité d’une qualité meilleure et d’un rendement plus considérable; enfin, agités et trempés dans l’eau, ils tombent presque tous au fond du liquide. Les halles aux chaudières, aux cuves , les germoirs, emplis, etc., dans une brasserie très bien montée, devraient être dallés en pierres dures, cimentées en mastic de bitume; cette disposition est surtout utile pour les germoirs. Un pavage au ciment peut suffire relativement aux autres ateliers, mais tous doivent offrir des pentes qui amènent les eaux aux récipients au niveau du sol, afin qu’on puisse opérer partout des lavages faciles, et éviter ainsi le mauvais goût des levains acides ou putrides qui résulteraient de l’accumulation de divers détritus.

De la germination

La germination des grains se divise en 5 opérations distinctes, qui consistent à mouiller, tremper et laver, étendre en couches plus ou moins épaisses, et retourner à des intervalles variables.
Le mouillage de l’orge a lieu dans de grandes cuves en bois ou des réservoirs en pierre. On les remplit d’eau d’abord jusque’à une hauteur telle que, le grain étant ensuite versé et mélangé, il soit recouvert de quelques pouces par le liquide; tous les grains lourds tombent au fond et les plus légers surnagent
On doit enlever ces derniers avec une écumoire; car non seulement ils ne germeraient pas et donneraient très peu de principes utiles dans la fabrication de la bière, mais ils produiraient un effet nuisible. On peut les employer à la nourriture des poules.
On laisse tremper l’orge dans la cuve mouilloire jusqu’à ce que tous les grains, pris au hasard, plient facilement entre les doigts et ne présentent plus une sorte de noyau dur à l’intérieur, ou s’écrasent sans craquer sous la dent; ce qui a lieu plus ou moins promptement, suivant la température de l’air, la nature de l’eau et quelques autres circonstances, mais entre 10 heures au moins et 60 au plus. Il est utile de changer 2 ou 3 fois l’eau dans laquelle on fait tremper le grain, soit pour enlever quelques matières dissoutes , soit pour empêcher une fermentation préjudiciable de s’établir.
Lorsque le grain a été suffisamment imbibé, on le lave encore par une dernière addition d’eau que l’on fait écouler aussitôt ; afin d’enlever une matière visqueuse qui se développe surtout dans les temps chauds; on le laisse égoutter et achever son gonflement pendant 6 ou 8 heures en été, 12 à 18 heures en hiver; on le fait ensuite sortir par une large bonde pratiquée au fond de la cuve mouilloire. Il tombe sur le dallage, et on s’empresse de l’étendre d’abord en un tas de 35 40 cent. d’épaisseur environ.
Pendant que le grain est en tas une partie de l’humidité s’exhale, peu à peu la température de la masse s’élève de 3 à 4 degrés, et la germination commence. Dans les temps de gelée il est utile de favoriser cette action en maintenant la chaleur dans le grain; à cet effet on le couvre de sacs vides ou de vieilles toiles.
Aussitôt qu’en enlevant la couche supérieure du tas on aperçoit à chaque grain une petite protubérance blanchâtre qui annonce les premiers progrès de la germination, on empêche une augmentation trop considérable de la température en retournant tout le tas et le répandant en couches plus minces sur le dallage du germoir.
Le germoir doit être le plus possible à l’abri des changements de température; des caves ont donc très convenables pour cette destination, ou, à défaut, des celliers clos munis de murs épais et de doubles portes.
L’épaisseur de la couche de grain, d’abord très peu moindre que celle du tas, doit être de 30 cent. environ dans les temps froids, et de 25 seulement dans l’été; mais à la fin on la réduit à une épaisseur, toujours le plus égale possible, de 10 cent. au plus. On retourne le grain ainsi étendu 2 ou 3 fois par jour, et même plus, ce gui dépend de la température extérieure. On doit se proposer surtout de répartir la chaleur dans toute la masse aussi également que possible. Pour cela, il est bon de maintenir la couche plus épaisse près des portes et dans tous les endroits sujets à quelque refroidissement; il faut, au reste, éviter que la température ne s’élève trop, et avoir le soin d’aérer le grain d’autant plus fréquemment que la germination s’avance plus vite.
La radicule commence d’abord à sortir; le germe ou plumule qui doit former la tige se gonfle, et, partant du même bout par lequel la radicule sort immédiatement, s’avance par degrés lents sous la pellicule ou épisperme qui enveloppe le grain et gagne vers le bout opposé; les radicules acquièrent beaucoup plus de longueur et se divisent en 3, 5, 6 ou 7 radicelles ou petites racines. Il est quelquefois utile d’arroser l’orge immédiatement avant de la retourner, et 2 ou 3 fois pendant le cours de l’opération, lorsqu’on voit qu’il y a trop de sécheresse.
Il convient mieux d’étendre l’orge en couches plus minces que de la faire retourner trop fréquemment, de peur d’écraser trop de grains et d’occasionner ainsi une odeur désagréable provenant de leur altération ultérieure; dans la même vue on travaille souvent pieds nus dans les germoirs.
La germination est à son point dès que, dans la plupart des grains, la plumule a parcouru toute leur longueur sous l’enveloppe.
Si on laissait le grain végéter passé le terme que nous venons d’indiquer, la tige future deviendrait visible à l’extérieur; elle s’accroitrait rapidement, l’intérieur du grain serait alors laiteux; bientôt les principes utiles épuisés laisseraient l’enveloppe presque complètement vide.
On peut germer moins, c’est-à-dire terminer l’opération avant que la plumule ou gemmule ait atteint plus des 2/3 de la longueur du grain. Cette mesure est même utile lorsqu’on doit employer exclusivement l’orge germée, car on en obtient plus de produit; mais si l’on voulait se servir de fécule il conviendrait de pousser la germination jusques à ce que la gemmule commençât à sortir.
Le temps pendant lequel l’orge doit rester étendue sur le carrelage ne peut être déterminé d’avance; mais lorsque l’opération est bien conduite, il ne doit pas être moindre que dix jours ni plus considérable que vingt.
La germination est beaucoup plus difficile dans les temps chauds, et à peu près impossible en grand pendant les gelées ; aussi doit-on faire son approvisionnement de malt depuis le mois d’octobre jusque dans les 1ers jours de mai.

Dessiccation sur la touraille

Les brasseurs donnent le nom de touraille (fig 258) à l’appareil à l’aide duquel ils font dessécher, et, dans quelques circonstances, torréfier le grain germé.
Dès que les grains sont suffisamment aérés, au sortir du germoir, on doit arrêter toute végétation et éviter en les desséchant les altérations spontanées qu’ils éprouveraient sous l’influence prolongée de l’humidité. La plate-forme AA de la touraille est à la partie supérieure du fourneau. Elle se compose de plaques en tôle percées de trous comme une écumoire; ces trous sont assez petits pour que les grains d’orge ne puissent passer au travers, et sont très rapprochés les uns des autres.

Une toile métallique serait peut-être préférable;elle exigerait moins de main d’oeuvre, puisqu’il faudrait moins retourner le malt, laisserait passer et répartir plus également le courant d’air chaud, briserait mieux les radicelles et brûlerait moins de grains.

Dessin représentant une touraille.

Cette plate-forme représente la base d’une pyramide quadrangulaire renversée dont le sommet est tronqué par le foyer C D du fourneau. La forme elliptique de la partie intérieure de ce fourneau, au-dessus de la grille, produit l’effet utile de réverbérer la chaleur et de concourir à brûler la fumée en élevant sa température, comme la masse de briques échauffées de la voute qui forme un réservoir constant de chaleur à la température de la combustion. La voûte E est surmontée d’une trémie renversée d, en briques, soutenue par des supports en fer ou des tasseaux en briques. Cette trémie est destinée à empêcher que les petites racines, et quelques particules des grains, ne tombent sur le feu et n’y produisent de la fumée. Par cette disposition, les substances qui passent au travers de la plateforme sont renvoyées vers des parties latérales, et recueillies dans des cavités inférieures ménagées à cet effet.

À Paris on emploie comme combustible, pour la touraille, une houille dite de Fresnes, qui ne produit presque pas de fumée; on pourrait aujourd’hui se servir, comme en Angleterre, du coke des fabriques de gaz-light. Dans ceux de nos départements où le bois est à meilleur marché, on emploie de préférence le hêtre, le charme et l’orme, qui produisent une flamme légère et peu de fumée. On pourrait d’ailleurs utiliser toute espèce de combustible, même les houilles grasses ou la tourbe, en remplaçant le foyer par un calorifère à air chaud séparant la fumée.
Le plus généralement dans les tourailles l’air extérieur est introduit par le cendrier. Il alimente la combustion, et l’air brûlé s’échappe par les trous de la plate-forme, ou les mailles de la toile, au travers du malt qu’il dessèche.
Le feu doit être d’abord très modéré, de manière à élever la température du malt à 50°C au plus, jusqu’à ce que le grain soit presque entièrement sec. Si l’on chauffe à une température plus élevée, à 80° par exemple, pendant que le grain est encore gonflé d’eau ou très humide, l’amidon se gonfle, s’hydrate et s’agglutine en formant empois, puis acquiert une dureté, une cohésion telle qu’il devient ensuite impossible de le dissoudre.
Lorsqu’en desséchant le malt on le chauffe au point de le caraméliser, il y a destruction de la diastase (principe de la saccharification de l’amidon et de la fécule), perte de la matière sucrée, et le goût du moût est moins agréable; il vaut bien mieux employer le caramel pour colorer la bière.
Une disposition nouvelle des tourailles nous a été communiquée par M. CHAUSSENOT; elle consiste dans l’addition d’une 2e plate-forme II au-dessus de la première, et semblable à celle-ci. Les deux plates-formes sont couvertes de grains, et l’air chaud, après avoir traversé la 1re couche, passe encore au travers de la 2e, et, se saturant davantage d’eau en vapeur, est mieux utilisé. Outre cette importante cause d’économie, on obtient une dessiccation plus méthodique et plus graduée. En effet, la 2e plate-forme reçoit toujours le grain le plus humide, et sa dessiccation commence tandis que celle de la couche inférieure finit. On risque beaucoup moins de détériorer le grain par une élévation accidentellement trop forte de température, puisque le grain le plus chauffé est celui qui contient le moins d’eau.
Pendant la dessiccation du malt on le retourne de temps à autre afin d’exposer toutes ses parties à l’action desséchante.

De la séparation des radicelles

Lorsque l’orge germée est suffisamment sèche et encore chaude, on la nettoie complètement de ses radicelles, devenues très fragiles, en la passant dans le bluteau ou tarare, garni d’une toile métallique.
Il ne faut pas craindre que la quantité de ces petites racines séparées soit un cas de perte; elles ne contiennent ni diastase, ni amidon, ni sucre, et leur infusion ne donne qu’une eau rousse d’une saveur désagréable; toutefois, nous devons ajouter qu’en raison de leur forme et de la proportion de matière
azotée que nous y avons observée, elles constituent un engrais capable d’alléger la terre; que, passées sous une meule encore toutes chaudes, elles se broient aisément, et peuvent alors absorber les matières fécales délayées, acquérant ainsi la qualité des plus riches engrais.
100 parties en poids d’orge employée perdent, terme moyen, pendant toute l’opération du maltage, 12; et si l’on ajoute l’eau que le grain contenait, et qui était de 13, la diminution totale s’élève à 25. Ainsi l’on obtient, pour 100 d’orge brute, environ 75 de malt sec.
La bonne préparation du malt se reconnaît à l’odeur agréable, la saveur sucrée, la couleur blanche intérieurement et jaunâtre à l’extérieur, au développement de la plumule, égal à la totalité de la longueur du grain, et mieux encore à son énergie sur la fécule. 100 parties en poids de celle-ci peuvent être dissoutes par 5 de bons malt dans 400 d’eau, en agitant sans cesse et en entretenant au bain-marie la température du mélange entre 65 et 80.

La Berliner Weisse – Partie 3/3 – Production amateur

Comme nous l’avons vu dans les articles précédents, la Berliner Weiße a changé au fil du temps et a été brassée différemment selon les brasseries. Il n’existe donc pas de recette de Blanche de Berlin. Au contraire, on peut choisir parmi les différents procédés et recettes qui conviennent le mieux aux possibilités de son propre système de brasserie et à ses goûts. Continue reading “La Berliner Weisse – Partie 3/3 – Production amateur”

Triage de l’orge (1ère partie)

Avant de servir au maltage proprement dit, les grains doivent subir un triage et un nettoyage soigné, opération trop souvent négligée, mais absolument indispensable pour obtenir un malt de qualité irréprochable.
Le triage des grains a pour but d’amener au maltage tous grains de dimensions uniformes, résultat dont l’importance pratique n’est plus récusée de nos jours par aucun brasseur intelligent.
Il suffit, en effet, d’observer la manière dont se comportent au mouillage des grains de volumes différents, pour se convaincre immédiatement de la nécessité de faire précéder cette opération d’un triage convenable.
Les grains les plus petits, cela se conçoit, acquièrent plus rapidement le degré de trempe nécessaire à la germination ; et, au moment où cette modification physiologique se manifeste en eux, on est encore loin d’avoir atteint, pour les grains de fortes dimensions, le degré de mouillage indispensable à l’apparition et au développement du germe.
Quel que soit donc l’instant où l’on interrompt la trempe de grains non triés, on obtiendra toujours une catégorie de grains incomplètement préparés à subir, dans les conditions requises, l’opération subséquente du maltage.
Nous venons de constater que, au moment où les petits grains sont déjà susceptibles d’être envoyés fructueusement à la touraille, les grains volumineux, non germés, doivent continuer de rester au mouillage : si, d’autre part, on prolonge la trempe de façon à atteindre le point de germination des gros grains, on constate que les petits grains ont déjà, depuis un certain temps, dépassé ce point, qu’ils ont absorbé un excédant nuisible d’humidité, et perdu la faculté de germer : au maltage, au lieu de donner une certaine quantité de malt, ils disparaissent par le fait de la pourriture et viennent, par là, entraver le maltage des autres grains, germés normalement.
Ce résultat fâcheux ne se produit pas lorsqu’on a affaire à des grains de volume uniforme.
Il existe différents systèmes d’appareils à trier les grains.

(extrait du Traité complet théorique et pratique de la fabrication de la bière et du malt – J. Cartuyvels et C. Stammer – 1879 )

Lambick, Faro et Bière de Mars

Un extrait du “Traité complet de la fabrication de la bière et du malt”, daté de 1879 et coécrit par Jules Cartuyvels et Charles Stammer.
Lambick s’écrivait effectivement souvent avec un k, alors que de nos jours on l’écrit simplement lambic.

Ces trois espèces de bières se brassent de la même manière et souvent du même brassin. On y emploie ordinairement parties égales en poids d’orge germée et légèrement touraillée, et de froment non germé (1), qu’on mélange ensemble et soumet à une mouture grossière. On introduit dans la cuve-matière de l’eau à 45° C., jusqu’à quelques centimètres au-dessus du faux fond, puis on y verse deux à trois sacs de balles de froment et par dessus autant de matières ou farine mixte que la cuve peut en contenir : 400 kilogrammes de cette farine donnent une tonne de lambick et une tonne bière de mars, ou bien deux tonnes de bon faro, c’est-à-dire 460 litres environ.
En cet état, on fait arriver par le faux fond d’abord de l’eau à 45° C., puis de l’eau presque bouillante, jusqu’à ce que la cuve soit entièrement pleine. On brasse vivement jusqu’à ce que le mélange soit bien homogène et hydraté ; on recouvre la surface d’une légère couche de balles de froment, puis aussitôt on y enfonce de grands paniers (2) coniques en osier, et avec des bassins en cuivre, on puise le liquide qui pénètre dans ces paniers et on le verse dans une chaudière qu’on chauffe dès qu’elle est remplie de ce liquide, avec le liquide clair qui a passé par le faux fond. On donne alors avec de l’eau bouillante une seconde trempe qui se brasse, s’extrait et se chauffe avec la première pendant 20 minutes. Pendant ce temps, on relève la drèche sur le milieu de la cuve-matière, on garnit de balles de froment le pourtour du double fond, sur le milieu duquel on dépose 5 centimètres de cette même balle, après avoir rejeté la drèche sur les parois de la cuve, puis on égalise la matière et l’on verse par dessus le moût bouilli de la chaudière. Lorsque la cuve est presque pleine, on brasse légèrement la matière sans remuer le fond et on laisse reposer une heure, et enfin on tire au clair par le fond de la cuve.
Quand le moût est coulé, on donne encore deux autres petites trempes à l’eau bouillante, qu’on traite comme les premières, mais qui servent à une seconde qualité de bière et à préparer le faro et la bière de mars, tandis que les deux premiers métiers servent à préparer le lambick.
On fait ordinairement bouillir 5 à 6 heures le moût pour le lambick ordinaire et l’on emploie par hectolitre de moût 780 à 860 grammes de bon houblon d’Alost et de Poperinghe de première qualité ou de houblon exotique anglais, ou préférablement d’Allemagne, qu’on ajoute au moût qui, dès qu’il est clarifié, est versé de nouveau dans la chaudière. Après la cuisson, ce moût est versé sur un bac à houblon.
Pour préparer le lambick, le moût de la première chaudière est reçu dans la cuve-guilloire à 14° ou 16° C. dans les temps très-froids, et à 10° ou 12° par les températures ordinaires d’automne et de printemps. Dès que le moût est réuni dans la cuve-guilloire, on l’entonne dans des futailles de deux à trois hectolitres sans aucune addition préalable de ferment quelconque.
La seconde qualité de moût, après avoir bouilli 12 à 15 heures, est séparée du houblon comme le premier métier, puis refroidi et entonné au même degré que lui et aussi communément sans aucune addition de ferment. Le moût entonné est, dans les 24 heures, transporté dans des magasins ou celliers tempérés où les futailles sont superposées les unes sur les autres en deux étages et en deux ou trois rangs de tonneaux disposés de manière qu’on puisse visiter facilement l’un des fonds de toutes les pièces, ainsi que la bonde qu’on laisse entr’ouverte pendant toute la saison chaude de la première année, en ayant soin de remplir de temps en temps les tonnes. La fermentation, qui se déclare tantôt au bout de 3 à 4 mois seulement, dure ordinairement 8 à 10 mois et se prolonge quelque- fois pendant 18 à 20 mois. La bière n’est ordinairement bien faite qu’au bout de 20 mois à deux ans, époque à laquelle elle est soutirée, coupée, c’est-à-dire mélangée, et apprêtée.
La densité du moût de lambick qui était de 7° à 8° Baumé (3) au moment de l’entonnage, est alors réduite, par la fermentation, à 2° ou 3°, et si la bière est bien réussie, elle a acquis beaucoup de force et un bouquet agréable. L’odeur du houblon a entièrement disparu pour faire place à une autre, pleine de vinosité et de finesse, qui frappe l’odorat. Mais la saveur ne répond pas à son odeur, elle est encore fort amère, rude ou àpre au goût et réclame un correctif qu’on lui donne par l’apprêt.
Pour préparer le faro, quelques brasseurs réunissent les deux qualités de moûts de la cuve-guilloire, entonnent, emmagasinent et font fermenter
comme le lambick et la bière de mars ; mais cette bière se prépare le plus généralement en mélangeant le lambick avec à peu près parties égales de bière de mars entonnées et fermentées séparément. Dans tous les cas, le faro n’est jamais une bière pure et sans mélange, car les brasseurs qui préparent directement cette bière ne la livrent jamais à la consommation sans la couper avec d’autres brassins, les uns plus vieux, les autres plus jeunes, et sans y ajouter, comme pour la bière de mars et le lambick, une certaine quantité de cassonnade. Cette préparation ultérieure de ces bières est un travail délicat et important, qui le plus souvent ne se pratique pas à Bruxelles chez le brasseur, mais chez le cabaretier et le débitant de boissons. L’apprêt proprement dit du faro, c’est-à-dire la manière de couper les bières qui servent à le préparer est une chose difficile, car les bières de Bruxelles, tant par leur composition que leur mode de fermentation, sont sujettes à être tantôt amères et tantôt acides, ou à avoir des goûts si différents, qu’il faut un palais exercé et une bien grande habitude pour obtenir, en les mélangeant en certaine proportion, toujours sensiblement le même goût et le même bouquet, tout en faisant passer les mauvaises avec les bonnes.

(1) La coutume séculaire pour les bières de Bruxelles est d’employer le froment cru. Dans ces derniers temps néanmoins, certains brasseurs de faro ont adopté sans inconvénient le mode de faire aussi germer le froment : si ce mode n’a pas été pratiqué précédemment ou généralisé de nos jours, cela ne tient nullement à l’inhabileté des praticiens, reconnus très-experts, mais bien aux exigences de la tradition chez le consommateur. Le goût du faro obtenu de froment malté est excellent et distingué : mais il n’est pas identique à celui des bières de grain cru, d’où la difficulté d’en opérer la diffusion.
(2) Dits Stuykmanden

(3) NDLR: À 20 °C, la correspondance entre la densité et les degrés Baumé pour les liquides plus denses que l’eau (densité > 1) : d = 145 ÷ (145 – B°) ;
7˚B = 1.051, 8˚B = 1.058, 3˚B = 1.021, 2˚B = 1.014

La fabrication de la bière d’après M. Ch. Girard (5 août 1883)

Titre du journal des brasseurs du nord du 5 aout 1183

La fabrication de la bière, suivant la température à laquelle a lieu la fermentation, 15 à 20˚C (fermentation haute) ou 4-5˚C (fermentation basse), engendre des produits tout différents. Dans le premier cas, l’on obtient les bières anglaises et les anciennes bières françaises ; dans le second cas les bières allemandes, autrichiennes, etc.

La composition des eaux employées lors de la germination de l’orge, les procédés d’extraction du malt par infusion ou par coction, la température lors de la fermentation donnant des résultats très différents, nous avons cru devoir insister sur les précautions à prendre dans les diverses phases de la fabrication de la bière afin de pouvoir caractériser les causes qui produisent des bières inférieures et les distinguer des falsifications proprement dites.

Quel que soit le genre de fermentation suivi, l’ensemble des opérations qui constituent le mode de fabrication reste à peu près le même dans tous les cas.
Il comprend quatre opérations distinctes :
— 1˚ le maltage ;
— 2˚ le brassage;
— 3° le houblonnage;
— 4° la fermentation;

Mentionnons, en ce qui concerne le maltage, les expériences de M. Lintner sur l’influence des eaux dans la germination. L’orge mouillée d’eau distillée donne un liquide lacteux, albuminoïde, très putrescible. Si l’on emploie de l’eau séléniteuse, ou si l’on ajoute du sulfate de chaux à de l’eau distillée, l’albumine reste insoluble dans le grain et le liquide limpide que l’on obtient n’est plus susceptible de se putréfier.
Ces faits permettent d’expliquer pourquoi les brasseurs qui recherchent les eaux sélétineuses de préférence aux eaux pures obtiennent de bons résultats; et c’est à la même cause qu’il faut attribuer l’agglomération des grandes brasseries anglaises autour des eaux de Burton.

Le brassage comporte plusieurs phases : la première a pour but d’épuiser le malt moulu par de l’eau tiède à 60-70˚C. Sous l’influence de l’eau chaude, l’amidon non transformé en dextrine, le sucre et la diastase, principes constituants du malt, réagissent, la saccharification s’achève et la solution ne renferme plus finalement que du sucre, de la dextrine et des matières azotées solubles.

Suivant le procédé suivi d’empâtage, de trempe ou d’infusion, on distingue deux modes différents de brassage. L’un dit par infusion, autrefois très répandu, est encore appliqué à Lyon et dans le Nord de la France. Il est, au contraire, presqu’exclusivement employé en Angleterre et en Belgique.
La méthode par décoction est beaucoup plus usitée en Allemagne et en Autriche ; actuellement en France, les brasseurs emploient cette dernière.

La seconde phase du brassage consiste à houblonner le moût et à refroidir rapidement la solution avant de déterminer la fermentation. Dans le procédé par infusion, le malt moulu versé dans la cuve-matière est empâté avec de l’eau froide, puis épuisé avec de l’eau chauffée à un degré tel que la température de la masse ne dépasse pas 50 à 55° et dans certains cas 65°.

Lorsque l’amidon a été complètement transformé en sucre par la diastase, on soutire le moût; un lavage est fait sur le résidu ou drèche, en ayant soin que la température de la masse ne s’élève pas au-dessus de 70.
Enfin les deux solutions sont réunies .

Dans la méthode par décoction, on mélange d’abord le malt avec de l’eau froide. On prélève ensuite une partie du liquide surnageant du malt que l’on porte à l’ébullition et que l’on verse alors dans le mélange primitif. Ce genre d’opération est désigné sous le nom de trempe. On la répète généralement quatre fois, de manière à ce que chaque trempe échauffe progressivement le moût de 30 à 35˚, de 40 à 60˚ et de 60 à 70˚, sans que la dernière trempe dépasse 75˚.

La température relativement élevée à laquelle la trempe est soumise transforme en empois l’amidon et coagule en même temps une partie notable des matières albumineuses, ce qui diminue l’action saccharifiante
sur l’amidon ; il en résulte qu’une forte proportion de ce dernier reste dans le moût à l’état de dextrine. Le moût ainsi préparé diffère du moût par infusion par sa plus grande richesse en dextrine, et inverse-
ment par une plus petite quantité de matières albumineuses et de glucoses, Les bières qui en résultent sont moins alcooliques, plus nutritives et d’une conservation plus facile. Les drèches qui restent dans les deux procédés sont épuisées complètement par l’eau, et le liquide qui résulte, très faible en extrait, sert généralement à la fabrication des petites bières ou bières de détail, souvent avec addition de glucose.

Les infusions successives obtenues par l’une et par l’autre de ces méthodes et séparées de la drèche, sont prêtes à subir le houblonnage. À cet effet elles sont dirigées rapidement dans de grandes chaudières, où elles sont portées à l’ébullition pendant un temps variable suivant les méthodes qui les ont fournies et les résultats à obtenir.

Sous l’influence de l’ébullition, les dernières parties d’amidon sont converties en dextrine, une partie des matières albumineuses est précipitée et le moût est amené à une concentration déterminée. Enfin, la quantité de houblon nécessaire pour aromatiser la bière ayant été ajoutée au cours de l’ébullition, et cette dernière entretenue pendant un certain temps, le houblon abandonne au moût du tannin, une huile essentielle et la substance amère connue sous le nom de Lupuline.

L’emploi du houblon a non seulement pour but de communiquer au moût le parfum et la saveur propre à la bière, mais encore de précipiter par son tannin une partie des matières albumineuses, ce qui fournit un produit plus limpide et d’une conservation mieux assurée.

Le moût ayant passé par ces diverses opérations, il reste à lui faire subir la fermentation, dernière phase de la fabrication de la bière et la plus importante à conduire.

Fermentation haute. — Le moût, au sortir des chaudières de cuisson doit être refroidi aussi rapidement que possible, afin d’éviter l’acétification.
Les refroidissoirs sont de grands bacs plats en tôle ou en cuivre placés dans des greniers très aérés.
La durée du refroidissement varie avec les saisons et le climat ; en hiver le moût reprend assez rapidement la température ambiante.
En été il n’en est pas de même et il est indispensable de recourir au refroidissement artificiel où à la glace.
Le moût ayant la température voulue, on procède à la fermentation, opération difficile, comme nous l’avons dit, qui exige de grands soins et une grande expérience de la part des brasseurs, la qualité de la bière en dépendant presque complètement,

La fermentation peut s’effectuer par deux procédés distincts, suivant la température à laquelle on la produit : soit 15˚ à 30˚, fermentation superficielle ou haute; soit de 4° à 5e, fermentation par dépôt ou basse.
Ces deux méthodes donnent des résultats très différents. Quel que soit, d’ailleurs, le mode de fermentation suivi, cette dernière, pour être régulière, exige absolument:
1° Des caves dont la température soit constante ;
2° De la levure très fraiche, d’une origine bien connue ;
3° Une quantité suffisante de levure, quantité qui devra être d’autant plus grande que le malt aura été plus touraillé et que la température de la fermentation sera plus basse,

Dans la fermentation haute, on opère généralement sur de grandes masses de moût, ce dernier est mis en levain avec de la levure fraiche provenant d’une opération précédente (environ le centième du moût
employé). Bientôt la fermentation commence, l’acide se dégage, la levure monte à la surface, et la température qui était, au début, de 5° à 10°, ne tarde pas à s’élever à 25—30°.

Pour les petites bières, on arrête la fermentation au bout de quelques heures; pour les bières de garde, on la maintient pendant deux ou trois jours au plus.

La rapidité avec laquelle la fermentation commence dépend en partie de la richesse du moût en sucre et en matières azotées, mais surtout, comme l’a démontré M. Pasteur, de l’origine de la levure ; ainsi la levure provenant de fermentation haute détermine toujours la fermentation haute ou rapide; la levure provenant de fermentation basse ne donne naissance qu’à la fermentation basse ou lente.
Du reste, par l’examen microscopique, M. Pasteur a observé que les deux levures ont une structure différente et que les cellules de la levure haute sont arborescentes, tandis que les cellules de la levure basse sont juxtaposées.

Dans la fermentation haute, le brasseur n’a pour ainsi dire pas à surveiller la température. Il doit surtout s’appliquer à éviter le contact prolongé de la levure avec la bière à laquelle elle donne un mauvais goût. Il doit donc faire écouler l’écume au fur et à mesure qu’elle arrive à la surface des cuves ou des barils. Ce genre de fermentation nécessite toujours la clarification de la bière.

Ici vient se placer une question délicate que nous étudierons lors des falsifications, le choix des agents employés à cette clarification facilitant l’introduction dans la bière de produits étrangers et souvent toxiques.

Fermentation basse, — Le moût refroidi à 10° ou 12° est dirigé dans des cuves contenant 25 à 30 hectolitres, On y ajoute de 6 à 10 kilos de levure fraiche et bien lavée, provenant de fermentation basse, et la température est maintenue absolument à 5° ou 6° au moyen de la glace que l’on introduit directement, ou bien à l’aide d’appareils permettant de maintenir la masse à ce degré.
Dans ce cas, la fermentation ne tarde pas à se manifester par un dégagement régulier d’acide carbonique; la levure ne reste pas à la surface, elle tombe au fond de la cuve, et au bout de 8 où 40 jours on peut soutirer la partie claire et la livrer à la consommation.
Pour obtenir les bières de conserve, le liquide ayant subi la première fermentation est dirigé dans de grands foudres placés dans des caves où il est abandonné à une température glaciale de 1° à 2° pendant six mois et plus. Durant cette période, la fermentation continue très lentement, la trans formation du sucre en alcool s’achève et la bière se clarifie complètement.
Il devient alors inutile de recourir aux agents chimiques pour obtenir ce dernier résultat.

Ce genre de fermentation exige de la part du brasseur une surveillance constante ; une faible élévation de température, 5° à 10, peut faire perdre à la bière les qualités de la bière fermentée à basse température.

Le malt étant d’un prix élevé, les brasseurs ont cherché depuis longtemps à introduire dans leur fabrication de l’orge non maltée, du blé ou du froment et même des matières féculentes ou sucrées, telles que le maïs, le riz et la fécule de pommes de terre, les sirops de fécule et de maïs.
Mais si la diastase existe en proportion insuffisante, la saccharification est difficile et incomplète ; d’autre part la quantité de principes azotés solubles étant trop faible, la levure se développe mal et la fermentation reste incomplète; la bière subit alors des fermentations secondaires, devient acide et se conserve mal.
Il ne faut pas dépasser 20 à 25% de la charge totale en produits non maltés.

Il nous reste à parler des agents employés pour clarifier la bière.

Il faut placer au premier rang : la gélatine; en présence du tannin du houblon, la gélatine se coagule; au besoin on ajoute préalablement du tannin. On se servait autrefois de pieds de veau, mais on clarifie maintenant avec des peaux de raie ou d’autres poissons.
La gélose ou algue du Japon (arachnoidiscus japonicus) s’emploie aujourd’hui beaucoup; on se sert aussi du carraghen ou mousse d’Islande (Fucus crispus) et de la graine de lin.

On filtre souvent les moûts sur des copeaux de noisetier ou de hêtre, et même sur des copeaux de buis, qui donnent en même temps de l’amertume à la bière en la rendant corsée.

Paliers de température

Chaque palier a son utilité lors du brassage et une enzyme lui correspond. 
Même si maintenant beaucoup de brasseries utilisent une méthode  de brassage mono palier, d’autres continuent d’utiliser la technique multi paliers qui est bénéfique pour certains types de bières.
Quelques exemples de paliers de température pouvant être réalisés par dilution, decoction, brassage turbide, ou encore par chauffe directe suivant le type de bière.

    • Biere allemande: 62˚C – 70˚C – 76˚C
    • Bière de blé bavaroise: 50˚C – 65˚C – 70˚C – 76˚C
    • Saison: 55˚C – 62˚C – 70˚C – 76˚C
    • Hefeweizen: 45˚C -55˚C – 62˚C – 70˚C – 76˚C

Phytase (30-52˚C)

La phytase est l’une des nombreuses enzymes naturellement présentes dans les céréales. À des températures de 30 à 52°C, la phytase convertit la phytine en acide phytique, abaissant ainsi le pH du moût dans une plage appropriée pour la préparation du brassage. En raison de sa sensibilité à la chaleur, la phytase n’est présente que sur les malts séchés à basse température. Le processus de conversion est lent et nécessite au moins 60 minutes pour que le pH change de façon significative. Traditionnellement, une étape de phytase était utilisée pour les malts de pilsner sous-modifiés dans des profils d’eau douce avec une faible capacité de tampon (pils tchèques). Aujourd’hui, les acides de qualité alimentaire ou le malt acidulé peuvent être utilisés à la place d’une étape de phytase.

Bêta-glucanase (35-45˚C)

Les bêta-glucanases sont des enzymes responsables de la dégradation des bêta-glucanes, des carbohydrates que l’on trouve dans la couche protéique des molécules d’amidon, qui peuvent gommer la cuve. Les plages de température actives pour les bêta-glucanases sont comprises entre 35 et 45˚C, la température optimale étant de 45°C. Les bêta-glucanes se retrouvent à des concentrations plus élevées dans les grains tels que le blé, l’avoine et le seigle et peuvent provoquer un voile s’ils ne sont pas correctement dégradés. Un bref palier de 15 minutes suffit. Dans les malts d’orge entièrement modifiés, les bêta-glucanes ne devraient pas poser de problème, mais toute bière contenant plus de 25% de céréales pourrait bénéficier de ce palier.

Acide férulique (43-45˚C)

L’acide férulique est un précurseur du 4-vinyl-guaïacol (4VG), un ester responsable des qualités analogues à celles du clou de girofle dans les bières comme les hefeweizen . Dans une plage de température étroite comprise entre 43 et 45°C, de grandes quantités d’acide férulique sont libérées. Cette étape fonctionne mieux avec un pH de maische de 5,7 à 5,8; il est donc préférable d’effectuer l’étape acide férulique avant d’acidifier le moût pour la saccharification. Un court repos de 10 minutes permettra une libération substantielle d’acide férulique.

Peptidase (45-53˚C)

La peptidase est l’une des deux enzymes protéolytiques impliquées dans le palier protéique. Elle est responsable de la segmentation des chaînes de protéines de longueur moyenne et courte. La peptidase est plus efficace dans des températures de 45 à 53°C, mais veillez à ne pas abuser de cette étape; trop peu de chaînes protéiniques de longueur moyenne peuvent laisser à votre bière un manque de corps. Un repos de 15 minutes suffit pour une rétention optimale du corps et de la mousse.

Protéinase (55-58˚C)

La protéinase est l’autre enzyme protéolytique. Semblable à la peptidase, la protéinase segmente également les chaînes de protéines, mais son objectif est de briser les chaînes de grande longueur en chaînes de longueur moyenne. C’est un processus bénéfique car il aide à éliminer le voile et l’instabilité de la bière. La plage de température optimale pour la protéinase est de 55 à 58°C et elle bénéficie d’un palier de 15 minutes.

Bêta Amylase (60-63˚C)

La bêta-amylase appartient à la famille des enzymes diastatiques. Elle attaque les extrémités des molécules d’amidon en coupant les résidus de sucre pour produire du maltose. Le maltose est hautement fermentescible par les Saccharomyces C. et le constituant principal du moût. La Beta amylase est la plus active dans la plage 60-63°C et bénéficie d’un long (plus de 45 minutes) palier pour produire du moût très fermentescible pour les bières plus sèches, comme les saisons.

Alpha Amylase (68-72˚C)

L’alpha amylase est la deuxième enzyme diastatique. Elle est responsable de la transformation des molécules d’amidon en dextrines non fermentables  en attaquant des points aléatoires le long des chaînes. Les températures de repos de saccharification plus élevées (68-72°C) donnent un moût moins fermentescible, et par conséquent une bière avec plus de corps. Un court palier de 20 minutes dans une maische épaisse (2L / Kg) fera l’affaire.