Voici en résumé la théorie actuelle de la fabrication et de la composition de la bière. La germination développe dans le grain la diastase; celle-ci réagit sur l’amidon, sépare les corps étrangers et produit en dissolvant l’amidon, de la dextrine et du sucre qui passerait dans la tige si on laissait continuer la végétation. Une grande partie de l’amidon (probablement
66 à 70 centièmes) n‘a pas éprouvé cette conversion en dextrine sucrée, mais se trouve en présence d’une quantité de diastase bien plus que suffisante pour opérer cet effet. Si donc on réunit les circonstances favorables, c’est-a-dire qu’on délaie le malt dans 4 parties d’eau et qu’on soutienne à la température de 65 à 70° pendant une heure, la conversion est complète, et l’iode n’accuse plus la présence de la matière amylacée.
L’excès de diastase peut être tel dans le grain germé que 15 fois le poids de celui-ci en fécule y ajoutée subisse, plus lentement à la vérité, les mêmes réactions. Le liquide sucré, séparé des substances insolubles, renferme du sucre et une matière gommeuse (la dextrine); il est modifié dans sa saveur par la décoction du houblon; il en reçoit notamment un principe amer, et l’huile essentielle où réside l’arôme qui caractérise surtout l’odeur de la bière.
Cette solution sucrée aromatique, en contact avec la levure aux températures indiquées, éprouve une fermentation dont l’effet général est de convertir la plus grande partie du sucre en alcool et en acide carbonique; substances qui modifient encore le goût de la liqueur. Une quantité plus considérable de levure se forme aux dépens de la matière azotée du grain dissoute; une partie s’élimine en écume ou dépôt.
L’ichtyocolle très divisée, puis délayée dans la bière trouble, y forme un vaste réseau membraneux qui, contracté par l’action de la levure, se resserre et entraîne dans sa précipitation ce dernier corps avec les autres matières non dissoutes; le liquide surnageant devient donc limpide.
Ce qui reste de sucre non décomposé suffit ordinairement pour donner lieu dans le liquide à la production ultérieure de 5 à 6 fois son volume d’acide carbonique; celui-ci, ordinairement contenu en grande partie par la fermeture hermétique des bouteilles, y produit une pression de 4 ou 5 atmosphères, qui occasionne une sorte d’explosion lorsqu’on débouche ces vases.
Enfin, la substance gommeuse qui réside aussi dans cette boisson lui donne une légère viscosité et rend ainsi la mousse quelques instants persistante; elle suffit encore pour humecter la langue et le palais d’une façon spéciale, ce que les connaisseurs expriment en disant que la bière n’est pas sèche, qu’elle a de la bouche; propriétés qu’ils ne retrouvent plus dans la bière faite exclusivement avec du sucre ou du sirop de fécule à l’acide sulfurique.