Conservation des levures en solution isotonique

Comment conserver de façon prolongée ses levures au frigo ?
En solution isotonique !
C’est une technique que je n’utilisais pas vraiment. Je congelais surtout mes levures. 
J’ai changé d’avis depuis peu, car c’est un peu moins de manipulations.

Cet article est une traduction adaptée de l’article de Samuel sur Eureka Brewing.

Une façon de stocker les levures sur une période de temps consiste à les stocker dans des solutions stériles telles que des solutions de chlorure de sodium isotoniques. Isotonique dans ce cas fait référence à des solutions qui ont la même pression osmotique que les cellules des levures, elles-mêmes. La pression osmotique dépend principalement de la concentration en sel d’un liquide. Si vous avez un liquide avec une concentration élevée en sel, la pression osmotique de cette solution est élevée. En revanche, l’eau distillée (faible ou nulle concentration en sel) a une pression osmotique faible. Si deux liquides de pressions osmotiques différentes sont de part et d’autre d’une membrane, les deux pressions peuvent s’égaliser: L’eau de la solution basse pression passe dans la membrane et s’écoule dans la solution haute pression. L’eau s’écoule jusqu’à ce que les deux potentiels de pression des deux solutions soient égalisés.

Les cellules de levure ont également une membrane qui entoure toute la cellule. Si vous stockez vos levures dans une solution avec une pression osmotique plus élevée que les cellules de levure (Il y a beaucoup de sels et d’autres composés organiques une cellule), vos cellules de levure mourront éventuellement à cause de la déshydratation (perte d’eau). Perdre de l’eau n’est pas idéal pour une cellule. Pensez aux humains, la perte d’eau peut également entraîner de graves problèmes de santé. D’autre part, le stockage de la levure dans de l’eau distillée peut éventuellement faire éclater les cellules car l’eau va passer dans la cellule de la levure (dans la solution à haute pression osmotique). Ce n’est pas idéal non plus. 
La solution consiste à éviter une différence de pression osmotique entre la cellule de levure et le liquide environnant. Ça se fait en utilisant un liquide ayant la même concentration de sel que celui dans la cellule. Vous avez donc les mêmes pressions osmotiques dans la cellule et dans le liquide environnant. Et cela s’appelle isotonique. 
Si vous dissolvez 9 g de chlorure de sodium (sel de table) dans un litre d’eau distillée, la solution est isotonique. Pour les autres sels / composés, il existe des listes permettant de rechercher les quantités nécessaires pour obtenir une solution isotonique. 
On trouve du chlorure de sodium dans toutes les cuisines ! Il faut préféré celui qui n’est pas iodé. 

Pour stocker les levures, il faut des contenants.
Il en existe de toutes les sortes. On trouve facilementdes tubes en plastique, souvent appelés tubes pour centrifugeuse qui sont vendus stériles. 
On peut aussi trouver des tubes en verre de 5 à 15ml avec un bouchon à vis qui sont stérilisables, et réutilisables. 

Une autre solution consiste à utiliser des fioles remplies d’une solution stérile de chlorure de sodium (figure 2). Ces fioles sont très fréquemment utilisées dans les hôpitaux et peuvent être achetées dans de nombreuses pharmacies en Europe. Dans d’autres pays, ça peut être plus difficile et ne pas être en vente libre comme au Canada. Vous n’avez besoin que d’une seringue stérile et d’une canule pour injecter les levures dans l’ampoule. 

Vu le prix de ces fioles ici,  les tubes de 5ml suffisent largement pour maintenir une banque de levures au frigo.
Il suffit de remplir environ 4ml de solution isotonique puis d’ajouter la levure, et de faire plusieurs tubes. 

Matériel

– Contenant pour la solution de levure et de chlorure de sodium (tubes avec bouchon à vis)
– Chlorure de sodium. Le sel de table non iodé est parfait.
– Eau distillée
– Seringues et canules stériles pour transférer la levure dans le tube
– Bec busen ou bruleur à alcool pour créer un champ stérile

Préparation

Solution de chlorure de sodium isotonique: dissoudre 9 g de chlorure de sodium (ou sel de table) dans 1 L d’eau distillée. En fonction de la qualité de l’eau, même l’eau du robinet fonctionnerait à condition qu’elle soit très peu minéralisée. Il vaut mieux dépenser un peu pour acheter 1 litre d’eau déminéralisée, pour faire 200 tubes….

En fonction du contenant:

– Si vous pouvez stériliser vos tubes, remplissez-les avec la solution isotonique de chlorure de sodium et stérilisez-les dans un autocuiseur ou dans de l’eau bouillante pendant environ 15 min.
Vous pouvez même stocker les tubes stérilisés à la température ambiante presque indéfiniment. 
Faites un lot de tubes et vous pouvez démarrer votre banque de levure.

– Si vous ne pouvez pas stériliser vos tubes (parce qu’ils sont en plastique et risqueraient de fondre pendant le processus de stérilisation ou si vous n’avez pas la possibilité de les stériliser), vous devez stériliser la solution de chlorure de sodium en la faisant bouillir puis en la transférant. dans les tubes plus tard. Cependant, n’oubliez pas qu’il faut des tubes stériles. 
Si vous les achetez pré-stérilisés, c’est parfait. Si vous en achetez de non stériles, désinfectez-les. Utilisez de l’eau Javel diluée ou de l’alcool. 
Rappelez-vous qu’une désinfection n’est pas la même chose qu’une stérilisation. Certains micro-organismes survivront au processus de désinfection. 
Je ne recommande pas cette méthode. 
Procurez-vous des tubes stérilisables ou stériles et vous n’aurez pas de soucis.

Collecte des levures

Maintenant que les tubes sont remplis et stérilisés, il est temps de stocker la levure. 
Le moyen le plus simple, à mon avis, consiste à obtenir la levure directement à la source, comme un nouveau paquet de Wyeast ou un flacon de White Labs. 
Utilisez une seringue stérile et prélevez environ 1 ml de suspension de levure.
Puis, transférez le dans les 4 ou 5 ml de solution isotonique de chlorure de sodium dans le tube ou le flacon.
Passez l’ouverture du tube à la flamme et refermez le tube.
Vous avez presque fini. 

Vous pouvez aussi transférer une colonie d’une plaque d’agar dans une solution de chlorure de sodium.
Vous pouvez encore récolter la levure du Kräusen et la transférer dans la solution isotonique. À ce stade, les cellules de levure sont très viables et en santé. 
L’utilisation de levure récoltée après une fermentation peut également fonctionner, même si la viabilité / vitalité n’est pas connue. Il faut aussi passer par un processus de lavage des levures.
Je recommanderais de commencer par un petit mélange avec la levure récoltée (environ 10 à 50 ml), décanter autant que possible le surnageant de la levure et transférer la suspension de levure dans les solutions isotoniques de chlorure de sodium.

En résumé, vous pouvez utiliser toutes les sources de levure possibles. 
Gardez juste à l’esprit qu’il faut une bonne vitalité / viabilité des levures mises en banque. 
Vous ne voulez pas mettre en banque des levures en mauvais état.

Stockage

Si possible, stockez toutes les levures dans les tubes à environ 6 ° C (43 ° F). 
Ne les congelez pas. Elles ne survivraient probablement pas. 
Si l’entreposage au froid n’est pas possible, stockez-les dans un endroit frais et sombre. 
Après quelques minutes, la levure forme un sédiment au fond du tube / flacon, etc.

Réutilisation

Pour passer de la levure en banque à un levain, prélevez 1 ml du liquide contenu dans le flacon avec une seringue stérile (agitez-le avant de le retirer pour remettre la levure en solution) et transférez-le dans environ 100 ml d’un moût de levain stérile à 10 °P fabriqué avec de l’extrait de malt sec. On peut aussi partir avec juste 50ml. 
Pour obtenir une préparation à 10 ° P, ajoutez simplement 10 g d’extrait sec de malt et de quelques nutriments pour levure, dissolvez-le dans 100 ml d’eau et stérilisez-le si possible avec un autocuiseur. N’importe quel pot de converse en verre fera aussi très bien l’affaire. 
Il suffit de le stériliser dans un autocuiseur ou dans de l’eau bouillante. C’est une étape cruciale, car les cellules de levure des solutions isotoniques de chlorure de sodium pourraient être très lentes au démarrage. Toute contamination dans le levain dépassera certainement la vitesse de propagation de la levure. 

Laissez la fermentation se poursuivre pendant quelques jours (jusqu’à sept jours si nécessaire). Une petite couche de levure va se former. 
Augmentez ensuite le volume jusqu’à 1 L au total (ajoutez 900 ml de moût fraîchement stérilisé à 10 ° P ou transférez le levain de 100 ml avec la levure sur 900 ml de moût frais). 
Après le levain de 1 L, il devrait y avoir à peu près la même quantité de cellules que dans un paquet d’activateur Wyeast frais (100 milliards). 
Cela peut varier entre les souches de levure. 
Utilisez une chambre de comptage pour déterminer la concentration cellulaire exacte et la quantité de cellules, si possible, ou estimez le nombre de cellules à partir du volume de levures obtenu.

 

Chiffres clef de quelques bières belges

Beaucoup de bières belges sont brassées avec des malts continentaux, un peu moins modifiés, avec des paliers. Oui des paliers de température ! 

ORVAL

Brassage 
61°C pendant 15 minutes 
68°C pendant 25 minutes 
72°C pendant 30 minutes 
77°C pendant 10 minutes avant rinçage à 77°C

IBUs: 38 
Carbonatation: 5.0 volumes

CHOUFFE HOUBLON DOBBELEN IPA TRIPEL

Brassage
53°C pendant 20 minutes 
63°C pendant 20 minutes 
68°C pendant 10 minutes 
Montée à 80°C pour le rinçage

IBUs: 53 
Carbonatation: 4.3 volumes

SAISON DUPONT

Brassage
45°C puis montée graduelle jusqu’à 72°C sur plus de 90 minutes

IBUs: 32 
Carbonatation: 3.5 volumes

Porters de l’ancien temps, Rodenbach et bières sures

Bien que n’ayant pas de recette originale de Porter, la Rodenbach est certainement la bière commerciale moderne qui est le plus approchant de ce que la porter de l’ancien temps devait être. En effet, il est probable que Rodenbach puise ses origines dans la tradition des Porter. La brasserie belge Rodenbach a été fondée en 1820, au cours de l’apogée du Porter, et il est bien connu que les membres de la famille Rodenbach ont étudié la brasserie à Londres. La seule différence entre la Rodenbach moderne et l’ancien Porter du début des années 1800, est que le Porter utilisait du malt fumé brun. On peut soupçonner que Rodenbach faisait de même durant le 19ème siècle.

L’ancien Porter, la Rodenbach, la Guinness Foreign Extra Stout, et quelques bières belges aigres sont un mélange de deux bières: une bière qui a vieillie longuement et très acide, et une bière jeune qui n’est pas sure. Cette technique de mélange permet de produire des bières avec un degré d’acidité plus faible, et est un moyen très économique de produire des bières sures parce que seule une fraction de la production de la bière doit être mûrie longtemps – la majeure partie du mélange est faite de bière fraîche et presque verte.

La Rodenbach est un mélange d’une bière aigre et forte de densité 1065 qui a été vieillie de 18 mois à 2 ans, et une bière plus faible, plus jeune, et non sure avec une densité d’environ 1047 qui a été vieillie seulement quatre ou cinq semaines. Les taux de houblon sont volontairement faibles afin de ne pas inhiber l’acidification par les micro-organismes. Le rapport de mélange est probablement de 10-20% de bière aigre et 80-90% de bière jeune, en fonction de l’acidité finale de la bière aigre. La bière aigre est vendue séparément sous le nom de Rodenbach Grand Cru et il est important de ne pas confondre le nom Rodenbach de la bière modérément aigre et Rodenbach Grand Cru pour la bière extrêmement aigre. Les brasseurs qui veulent faire une copie de la Rodenbach peuvent acheter du Rodenbach Grand Cru comme acidifiant et l’ajouter à leur brassin de bière maison pour environ 10%. On peut augmenter  la dose si l’acidité n’est pas assez affirmée.

Cependant, faire un Grand Cru soi-même, sera beaucoup plus difficile. L’acidification provient de différentes espèces de levures sauvages telles les Brettanomyces, les Dekkera (état sexuel de Brettanomyces), de certaines bactéries acétiques et lactiques, et plusieurs autres. Selon Michael Jackson environ 20 micro-organismes sont responsables de l’acidification de la Rodenbach. Mettre la main sur les micro-organismes est relativement facile, ils sont autour de nous dans l’air et sont abondants sur l’orge et le malt.

Le problème majeur est d’imiter la légère porosité du chêne en l’absence de fûts de chêne. Cette légère porosité, aide à accroître le potentiel redox de la bière sur une longue période de temps, qui permet aux bactéries d’entrer en jeu successivement. Plus important encore, il semble très probable que les bactéries aérobies générant de l’acide acétique se logent dans le chêne et acidifient la bière depuis la surface du bois. Il doit être significatif est important de noter que tous les producteurs de ce type de bière aigre laissent maturer la bière dans des contenant de chêne. Dans ces conditions, les bactéries aérobies travaillent très lentement et c’est pourquoi il faut de dix-huit mois à deux ans pour que cette acidification prenne place. L’autre problème pour le brasseur maison est d’avoir la patience d’attendre aussi longtemps.

Pour faire fermenter un Rodenbach Grand Cru de façon conventionnelle il faut utiliser une levure de bière très atténuative, ou un mélange de plusieurs souches. Les bières Rodenbach sont pasteurisés et leur levure ne peut être cultivée. Mais la levure peut être cultivée à partir des bières Liefman car leurs levures prennent leur origine à Rodenbach. Toutefois, toute bonne levure fortement atténuative pour ales peut convenir.

Une fois la fermentation terminée, la bière peut être mise en fût et laissée à température de fermentation normale pour trois à quatre semaines. Lorsque les trois semaines sont écoulées, ouvrir le tonneau et ajouter une poignée d’orge crue. Sinon, ou en plus, soutirer une demi-pinte de bière dans un verre large et laisser à l’air libre pendant 24 heures, de préférence en plein air dans un endroit abrité de la pluie, mais pas en plein été.  Ajouter au fût, refermer et laisser reposer pendant douze mois. Des cultures de Brettanomyces sont disponibles auprès de plusieurs sources, et ceux-ci peuvent être ajoutés comme assurance ou en remplacement. Une fois que vous avez réussi à faire une bière aigre, vous pouvez conserver une bouteille pour réensemencer votre prochain brassin.

Potentiel d’oxydo-réduction ou potentiel redox

L’oxydation et la réduction sont des processus fondamentaux dans toute matière vivante. La respiration de l’homme et des animaux est un processus d’oxydation tout comme la fermentation. Parfois, l’oxygène libre est impliquée, comme lorsque nous respirons ou quand la levure est en mode aérobie au cours de sa phase de croissance. Le plus souvent l’oxydation est réalisée par une molécule donnant de l’oxygène à une autre molécule. La fermentation, par exemple, est causée par le sucre donnant de l’oxygène à une enzyme oxydante sécrétée par la levure. L’alcool et dioxyde de carbone sont ce qui reste quand une molécule de sucre est privé d’un atome d’oxygène. Pour chaque processus d’oxydation de cette nature, il doit correspondre un processus de réduction. Dans l’exemple de fermentation, lorsque le sucre donne son atome d’oxygène de l’enzyme a été oxydé, mais le sucre a été réduit. La situation est compliquée parce que vous n’avez pas réellement besoin d’oxygène pour oxyder quelque chose, vous pouvez effectuer la même chose en supprimant de l’hydrogène ou des électrons.

Pour schématiser très simplement, un concept quelque peu complexe, le potentiel d’oxydo-réduction d’une bière est la probabilité qu’un micro-organisme ou toute autre réaction chimique ait assez d’oxygène pour satisfaire ses besoins; Ou la probabilité d’une réduction par un autre mécanisme. Dans le cas du brassage amateur, nous pouvons le voir simplement comme étant le potentiel d’oxygène disponible.

Le potentiel d’oxydo-réduction est souvent appelée potentiel redox. Comme le pH, elle est mesurée en termes d’ions hydrogène et porte le symbole rH. Les pH-mètres peuvent généralement aussi mesurer le rH en branchant une sonde appropriée. Le rH est important, car divers micro-organismes ne peuvent exister ou fonctionner à l’intérieur de certaines limites de rH, de la même manière qu’ils ne peuvent exister ou se développer que dans certaines limites du pH. Parce que pH et rH sont mesurés en termes d’hydrogène, un changement de pH entraîne généralement un changement correspondant en rH.

Pendant la fermentation primaire, la levure établit rapidement des conditions qui lui sont favorables et qui sont inappropriées pour d’autres microorganismes. Lorsque la levure est versée dans le moût, le pH chute rapidement d’environ 5.3 à une valeur d’environ 4, et le rH chute d’une très grande valeur à environ 10. Dans ces conditions, les levures sauvages et la plupart des autres micro-organismes ne peuvent pas prospérer. Bien que ceux qui sont présents ne sont pas nécessairement tués, ils restent en dormance jusqu’à ce que des conditions leurs soient plus favorables.

Quand la bière est mis en fûts ou en barriques de chêne, la levure primaire est encore assez active, travaillant sur les sucres résiduels et les dextrines. Le rH est maintenu à environ 10 parce que tout l’oxygène qui se présente est immédiatement consommé par la levure primaire. Par la suite, la bière est à court de nutriments essentiels, tels les acides aminés et semblables, et l’équilibre du sucre n’est plus favorable à la levure primaire. Elle entre alors en dormance, ou passe en mode ralenti, et les cellules commencent à mourir.

Avec la levure primaire dormante, le rH commence à monter, soit par diffusion progressive de l’air à travers les parois de la cuve de maturation de chêne ou par d’autres procédés chimiques. Les cellules mortes s’autolysent (sont consommés par leurs propre système enzymatique) et, ce faisant, libèrent leurs nutriments dans la bière. Lorsque le rH a dépassé environ 15, que suffisamment d’éléments nutritifs sont présents dans la bière, et que le pH et la température sont satisfaisants, les levures sauvages et autres micro-organismes peuvent alors devenir actifs et acidifier la bière.

Parmi les différents micro-organismes responsables de l’acidification, chacun peut devenir actif à tour de rôle lorsque que les conditions lui deviennent favorables. Finalement, les conditions redeviennent favorables pour la levure primaire qui se retrouve dominante à nouveau, puis cède la place aux levures sauvages, etc. Le cycle peut se répéter plusieurs fois sur une période de plusieurs mois.

Bières aigres, acidulées ou sûres

Un certain nombre de bières européennes sont volontairement aigres ou acidulées. La plupart sont d’origine belge, mais quelques une sont produites en Allemagne. La Guinness Foreign Extra Stout est aussi une bière acidulée.

L’aigreur est d’un niveau terriblement élevé comme dans le lambic ou la Rodenbach Grand Cru, d’un niveau modéré dans la gueuze ou la Rodenbach mélangée, ou d’un niveau plus faible dans certaines bières de blé et bières blanches. L’aigreur à peine perceptible de certaines bières permet de rehausser les saveurs de malt. La Guinness Foreign Extra Stout est un exemple de cette catégorie.

Les techniques utilisées pour fabriquer la plupart de ces bières aigres tirent leurs racines des traditions vieilles de centaines d’années. On suppose qu’avant la révolution des Pale Ale, la plupart des bières qui étaient mises en maturation pour une certaine période de temps étaient aigres. Et ceci non seulement parce que les brasseurs ne pouvaient pas faire autrement avec des bières à faible taux d’alcool, mais aussi parce que cette aigreur d’arrière-plan était très appréciée de beaucoup de consommateurs. Les anciennes Porter étaient des bières aigres,  mais aucune Porter moderne ne l’est aujourd’hui.

Acidification pendant la maturation

La façon classique d’aciduler la bière, certainement prévalant en Europe, Grande Bretagne inclue, jusqu’à la fin des années 1800, était durant la maturation que les brasseurs de ce temps là appelaient une seconde fermentation. De nos jours, au moins dans le brassage amateur, nous définissons la seconde fermentation comme étant la génération de gaz dans la bière en fût ou en bouteille, en quelques jours ou semaines, comme étant un processus succédant à la fermentation primaire. Cependant, dans les temps ancien du brassage, seconde fermentation ne voulait pas dire la même chose: une fermentation secondaire voulait bien dire une autre fermentation causée par d’autres levures (sauvages) comme les souches de Brettanomyces. Ces fermentations secondaires se passaient spontanément avec des craquements dans les tonneaux alors que la bière était en maturation dans la cave du brasseur, quelquefois plusieurs mois après la mise en maturation, et le brasseur devait dégazer les tonneaux en attendant que ça s’arrête.Les brasseurs de ce temps ne savaient sûrement pas que des levures sauvages étaient responsables de ce bouillonnement, mais savaient par expérience que la bière ne devenait pas acide avant que ses craquements ne se produisent.

Plusieurs livres sur le brassage commercial, même les relativement plus récents, contiennent des passages revenant sur le temps ou ces fermentations secondaires étaient importantes. Voici un extrait de Brassage – Théorie et Pratique, ed 1956

“La seconde fermentation se développera spontanément. Dès qu’elle est détectée, il faut insérer une bonde poreuse dans le fût pour permettre la dépressurisation. Dès que la pression est retombée, il faut remplacer cette bonde par une bonde étanche ou la bière deviendra si plate qu’il sera impossible de la récupérer. Généralement, un craquement est nécessaire pour une bière ordinaire, mais pour des ales très fortes, qui sont stockées plusieurs mois, deux ou trois craquements du tonneau sont nécessaires. Si cela ne se produit pas, un brassage vigoureux du tonneau couplé avec une légère hausse de la température du cellier devrait généralement donner l’effet escompté.”

Ce passage est tiré de l’édition de 1956. La première édition a été publiée en 1936, mais était sûrement basée sur des travaux beaucoup plus anciens car l’acidification volontaire des bières anglaises s’est éteinte à la fin du 19ième siècle.

A l’opposé, James Hebert dans Pratique du Brassage en 1871, maintenait que les fermentations secondaires étaient mauvaises pour la bière et devaient être évitées à tout prix, bien qu’il ne donne aucun moyen pour y arriver. Il y a beaucoup de divergences d’opinion et de contradictions au sujet de la fermentation secondaire et de l’aigreur dans les publications contemporaines sur le brassage de la bière. Mais, cela reflète très certainement les préférences régionales pour savoir si la bière doit être acidulée ou pas.

Quoi qu’il en soit, l’acidification de ce type de bière se faisait dans des fûts ou barriques de chêne lors de la maturation. L’utilisation du chêne est important car il a une faible porosité à l’air, et les microorganismes permettant l’acidification sont essentiellement aérobies. Aussi, l’intérieur du contenant en chêne procurent des sites permettant aux bactéries aérobies de se former et la petite quantité d’air pénétrant par le bois leur permet de travailler lentement sans interférer avec les autres réactions. Toutes les bières de ce type survivant encore de nos jours, comme la Rodenbach, Guinness et les Lambics, suivent une maturation dans des fûts en chêne.

Pour comprendre pourquoi les levures dites sauvages restent dormantes lors de la fermentation primaire et se réveillent plusieurs semaines après la mise en maturation, nous devons toucher à un sujet qui n’est pas tellement abordé dans les cercles de brassage amateur et qui n’est pas très largement compris. Cela s’appelle le potentiel d’oxydo-réduction.

Embouteillage

Toute bière destinée à être mise en bouteille doit être maturée pour un certain temps en cuve. Embouteiller une bière directement après la fermentation devrait être évité. Une bouteille est un vase clos et les alcools de fusel volatiles, produits par la levure ne peuvent pas s’échapper. Même les pires brasseries font maturer leur bière avant de l’embouteiller. Les bières faiblement alcoolisées nécessitent une semaine ou deux, les bières fortes peut-être un mois, et les bières très fortes, autant de temps que vous pouvez patienter. Le moment idéal pour embouteiller est juste après que la bière se soit éclaircie dans la cuve.

Les bouteilles doivent être remplies au moyen d’un siphon qui permet d’atteindre le fond de la bouteille. Il existe sur le marché des cannes de remplissage automatiques qui fonctionnent très bien. Il faut prendre le maximum de précautions pour que la bière absorbe un minimum d’air. Les bouteilles doivent être remplies jusqu’à environ un centimètre du goulot.

Si la carbonation se fait en bouteille, il faut entreposer les bouteilles au chaud (20°C) pendant 2 semaines pour permettre au dioxyde de carbone de se former, puis les stocker à une température plus fraîche pendant encore au minimum 3 semaines pour que le CO2 puisse gazéifier la bière.

Lagering

Les lagers sont par définition stockées un certain temps à basse température. Théoriquement, pendant ce temps de stockage, les protéines formant un voile sont précipitées, la levure tombe au fond et la bière devient gazeuse. La basse température évite la formation d’esters et d’alcools de fusel* par la levure. Il y a donc moins de transformation des saveurs.

Maintenant les bières de fermentation basse ne sont plus stockées aussi longtemps qu’avant, et le filtrage élimine les protéines et les levures. Le stockage se fait entre 1 et 4°C pour un temps entre 4 semaines et 6 mois. Le brasseur amateur devra s’équiper d’un frigo permettant le stockage d’une cuve ou bricoler une chambre froide.

*Les alcools de Fusel sont un mélange d’alcools supérieurs et inférieurs, alcools gras, terpènes et furfural. Ils se forment par la fermentation alcoolique comme sous-produits du métabolisme et contribuent à donner du goût aux arômes présents dans la bière, le vin, le cidre et les alcools. Le terme fusel vient de l’allemand et signifie mauvais alcool.

Maturation – Garde

Pour la plupart des bières, une maturation est bénéfique. Plus forte est la bière, plus longtemps elle devrait maturer. Les bières à faible taux d’alcool nécessitent un minimum de 3 semaines; les bières fortes, un mois ou deux. La maturation est meilleure en cuve, peu importe si la bière sera embouteillée.

Le transfert de la bière de la cuve de fermentation vers celle de garde sera faite de préférence par siphon. Il faut faire attention à minimiser l’exposition de la bière à l’air en gardant le tuyau de transfert sous le niveau de bière transférée. Il faut aussi veiller à ne pas transférer de sédiment. Idéalement, il faudrait que la cuve de garde soit remplie entièrement, mais c’est assez difficile à réaliser à la maison. On peut injecter du Co2 plus lourd que l’air au dessus de la bière pour la protéger de l’oxygène. La cuve sera ensuite mise de coté pour la période de garde. On peut aussi ajouter 50g de sucre dans la bière pour qu’elle produise du Co2 et ouvrir la cuve après 2 ou 3 jours pour évacuer l’air qui est plus léger que le Co2.

Fermentation des Lagers ou fermentation basse

Il ne faut pas croire que toutes les bières de type lager ou fermentation basse sont fermentées dans des cuves à basse température. Un certain nombre de brasseries  traditionnelles Pilsner  en république Tchèque et en Bavière fermentent leurs bières dans des tonneaux de chêne ouverts à des températures relativement hautes. Dans le livre de Michael Jackson “World Guide to Beer” on peut voir un brasseur tchèque examinant une bière dans un tonneau de chêne qui a une mousse de levure montrant de bonnes caractéristiques de fermentation haute. Enfin, par définition, c’est seulement la période de repos ou stockage ( lagering ) qui doit être faite à basse température.

Néanmois, la convention veut que la fermentation débute entre 7 et 11°C et qu’on laisse la température atteindre 10-15°C, puis qu’elle soit refroidie, tout du moins pour les lagers de grande distribution.

Comme pour la fermentation des ales, dans le cas du brasseur maison, il faut faire un compromis sur la température et il est recommandé de faire fermenter entre 10 et 15°C, mais la température peut être abaissée entre 4 et 12°C. Que la fermentation se fasse dans une cuve ouverte ou fermée est un choix personnel. Une tourie de 23 litres fait très bien l’affaire, tout comme un seau de fermentation avec le couvercle posé dessus.

Les bières de fermentation basse, ou lagers, prennent 8 à 10 jours pour fermenter à la bonne température.

La fermentation basse est suivie d’une phase de stockage qui durait quelques mois, aujourd’hui quelques semaines. Cela vaut aux bières de fermentation basse le nom usuel de Lager (de lagern, stocker en allemand).

La levure de base est la Saccharomyces uvarum et permet de produire des bières de type lager, pils, Schwarzbier, Dunkles, Export Bier, Helles, etc. Au cours de la fermentation la levure migre vers le fond du fût, d’où l’appellation de « basse ». Il faut en général ensemencer avec plus de levures que pour la fermentation haute.

La fraîcheur requise par le procédé a l’avantage de protéger la bière contre les bactéries et les champignons. Les bières obtenues par fermentation basse ont une durée de conservation supérieure à celles obtenues par fermentation haute. En revanche, les levures basses produisent moins d’alcool que les hautes, car leur travail est freiné par l’alcool qu’elles produisent.

Les bières obtenues par fermentation basse sont en moyenne moins fruitées et moins alcoolisées que les bières de fermentation haute, mais plus chargées en dioxyde de carbone. Elles se consomment fraîches, généralement entre 4 et 7 degrés.

Fermentation des Ales ou fermentation haute

La fermentation des bières de type Ale ou fermentation haute

La plupart des bières commerciales de type Ale dans des cuves de fermentation ouvertes en utilisant une levure de fermentation haute, à une température autour de 16°C. Dans les brasseries commerciales, la levure est habituellement ajoutée au moût à 16°C et on laisse la température monter entre 20 et 24°C par la chaleur résultant de la fermentation.Lorsque la température la plus haute est atteinte, de l’eau est envoyée à travers le serpentin de refroidissement pour abaisser graduellement la température.

Dans le brassage à la maison, les volumes sont trop petits pour avoir cette hausse de température naturelle et les levures utilisées ne formeront pas de mousse à 16°C.  La plage de température proche de celle des brasseries commerciales,  soit de 18 à 22°C, est un bon compromis.

Pour s’assurer que la mousse de la levure se forme rapidement, il est avantageux d’ajouter la levure lorsque la température du moût est relativement élevée 25-30°C et laisser la température baisser pour la fermentation.

La fermentation d’une Ale dure de 5 à 7 jours dans de bonnes conditions de température.

La levure de base est la Saccharomyces cerevisiae et permet de produire des bières de type ale, stout, weizen, etc.

Lorsque la levure haute a épuisé le glucose elle remonte à la surface de la bière, d’où l’appellation de fermentation haute.

La fermentation haute permet d’obtenir de hautes teneurs en alcool (la levure haute n’est pas ralentie en présence d’alcool) ainsi que des arômes complexes. Les bières ainsi produites sont généralement moins chargées en dioxyde de carbone que les bières de fermentation basse. Elles se consomment à plus haute température que ces dernières, généralement entre 6 et 12 °C.